04 novembre 2005

Revue de presse (Libération)

Société

Banlieue, les violences gagnent la province :
Plus d'un quart des véhicules incendiés dans la nuit de vendredi à samedi l'ont été en province. La région parisienne a connu une neuvième nuit de troubles urbains.

Par AFP
samedi 05 novembre 2005 (Liberation.fr - 09:06)


Sept cent cinquante quatre véhicules incendiés, dont un quart en province, 203 personnes interpellées, des bâtiments commerciaux et publics détruits ou endommagés : la région parisienne, rejointe par la province, a connu une neuvième nuit de violences urbaines malgré la volonté de dialogue affichée par le gouvernement.

Les incidents ont repris en région parisienne, survolée pour la première fois par un hélicoptère de surveillance de la police, quelques heures après que Dominique de Villepin eut reçu à Matignon seize jeunes de 18 à 25 ans issus de quartiers sensibles pour évoquer avec eux les difficultés des banlieues et les solutions à y apporter.

Cette rencontre, vendredi en début de soirée à Matignon, s'inscrivait dans le cadre des consultations lancées par le chef du gouvernement en raison de la crise dans les banlieues et qui doivent préparer la mise en place, d'ici à la fin novembre, d'un "plan d'action" en faveur des zones urbaines sensibles.

De son côté, le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a effectué samedi peu avant 01h00 une courte visite-surprise à la direction départementale de la sécurité publique des Yvelines à Viroflay, près de Versailles.

Dans un communiqué, le Parti socialiste a assuré que le "bilan des violences atteint des proportions gravissimes en Ile-de-France et dans toute la France" et a demandé "la transparence la plus totale sur l'ampleur de ces événements dramatiques".

Samedi à 05H00, les forces de l'ordre avaient comptabilisé 754 véhicules incendiés, dont un quart en province, et 203 personnes interpellées, un chiffre en forte hausse, a-t-on appris de source policière. Parmi les voitures incendiées, 563 l'ont été en Ile-de-France et 191 en province, où le phénomène, apparu la veille, prend de l'ampleur. Dans la nuit de jeudi à vendredi, 519 voitures avaient été incendiées en région parisienne et 77 en province. La part de la Seine-Saint-Denis reste stable (132 voitures contre 123 la veille).

Ce phénomène de "diffusion" est aussi perceptible dans le Val d'Oise où les zones de la compétence de la gendarmerie ont été concernées alors que ce n'était pratiquement pas le cas la veille. Les forces de l'ordre ont réalisé beaucoup plus d'interpellations de fauteurs de troubles présumés que la veille (203 contre 78). Il s'agissait d'une priorité d'action fixée aux policiers. Aucun affrontement n'a en revanche été relevé, ce qui confirme la stratégie d'évitement de la confrontation avec les forces de l'ordre adoptée depuis la nuit précédente par les fauteurs de troubles.

Parmi les incidents recensés, figurent l'incendie d'une école maternelle d'Achères (Yvelines) et celui du collège Jean-Monet de Torcy (Seine-et-Marne), à moitié détruit. A Meaux (Seine-et-Marne) un véhicule des sapeurs-pompiers a été détruit, tandis qu'à Champigny (Val-de-Marne), un bus a été vidé de ses occupants et incendié. Un engin incendiaire a par ailleurs été lancé sur la façade du commissariat de Saint-Denis. A Suresnes (Hauts-de-Seine), un incendie s'est propagé de véhicule en véhicule dans un parking souterrain, entraînant la destruction de 36 voitures.

A Clamart, selon une source policière, un enfant de dix ans a été interpellé avec une bouteille d'essence dans les mains tandis que dans le même département, à Boulogne, la police a arrêté un fauteur de trouble qui aurait aspergé quinze véhicules légers. En Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers deux entrepôts de textiles ont été la cible d'incendies, et à Pierrefitte-sur-Seine un engin incendiaire a été lancé "sur le mur d'une synagogue". Toujours à Pierrefitte, plus d'une centaine de personnes ont été évacuées pendant la nuit après le déclenchement d'un incendie dans un parking souterrain sous leurs immeubles.

Dans l'Essonne, un policier a été blessé par deux pavés dans le quartier de Coquibus, proche de la cité sensible des Tarterêts de Corbeil-Essonnes où une concession Opel et un dépôt de pneus, ont été incendiés. La mairie de Saint-Michel-sur-Orge a été ravagée en partie par un incendie tandis qu'une école maternelle et primaire à Brétigny-sur-Orge a été détruite en partie.

http://www.liberation.fr/page.php?Article=336259


Evénement

Banlieues. Stéphane Gatignon, maire de Sevran, raconte son quotidien d'élu en première ligne :«Le maire est leur dernier recours»
Par Jacky DURAND vendredi 04 novembre 2005

Stéphane Gatignon est, à 36 ans, un des plus jeunes maires de France. La commune qu'il dirige depuis 2001, Sevran, 50 000 habitants, en Seine-Saint-Denis, est une des plus pauvres d'Ile-de-France. Elle arrive 57e au palmarès des villes en difficulté financière : 1 600 Rmistes, 4 600 chômeurs (17 % de la population active), un taux de chômage qui atteint 30 % dans certains quartiers. Historien de formation, membre du PCF, Stéphane Gatignon a grandi «sur la dalle d'Argenteuil», là où Nicolas Sarkozy a effectué récemment une visite mouvementée. Il raconte pour Libération son quotidien d'élu en première ligne dans la bataille de la banlieue.
«La police nationale se retire.» «Je suis ici pour recréer du lien social, dans une ville qui est une des plus pauvres d'Ile-de-France et où l'aménagement du territoire est une catastrophe. A Sevran, les cités tournent le dos à l'habitat individuel. Il faut imaginer un projet commun à partir de tous ces destins de vie qui composent la ville. Comment vivre dignement dans une cité ? On est à fond dans le travail de renouvellement urbain. C'est compliqué, car il faut retisser des liens sociaux en pensant à la fois l'emploi, le logement et l'accompagnement social. Il ne suffit pas de transformer une cage à poules de quinze étages en une cage à poules de trois étages... Ce qui nous manque le plus, c'est l'argent, le financement. Il n'y a jamais eu autant d'inégalités entre collectivités locales. Tous les citoyens ne sont pas égaux en matière de tranquillité publique. A Sevran, nous avions 120 policiers en 2001. Nous n'en avons aujourd'hui plus que 80, à cause du désengagement de l'Etat. Aujourd'hui, la police nationale se retire des villes, et ce sont les polices municipales qui assurent de plus en plus la sécurité du citoyen. A Sevran, nous ne disposons que d'une dizaine de gardes urbains, qui surveillent les parcs et jardins. Avec quel argent pourrais-je créer une police municipale ?
«On chasse la subvention.» «Autre exemple, le budget de la commune : à Sevran, il n'y a presque plus d'entreprises, donc peu de taxe professionnelle, 23 millions d'euros par an. C'est ridicule alors que, aux alentours, certaines villes disposent de 400 millions ! En matière de financements gouvernementaux, il y a beaucoup de discours, mais peu de suites. Si le gouvernement met 50 euros dans un projet qui en vaut 100, il faut que la commune puisse mettre les 50 autres. Seules les villes qui en ont les moyens peuvent le faire. On est sans cesse en train de chasser la subvention, de hausser le ton chez le préfet pour grappiller un peu d'argent. Il faudrait une vraie réforme des finances locales, pour que l'argent soit distribué de façon équitable, commune par commune. On saucissonne tout en matière de politique de la ville. Vous devez prendre en compte vingt-cinq dispositifs différents pour conduire des projets. A chaque gouvernement, on change de dispositif, on en rajoute. L'idée de Borloo de créer un guichet unique était bonne...
«Un peu assistante sociale». «Tous les lundis après-midi, je reçois entre sept et treize personnes à ma permanence. Souvent, pour eux, le maire est le dernier recours. J'écoute et je vois de véritables drames humains. Une femme seule avec enfants qui vient me voir parce qu'elle ne trouve pas de logement. Les bailleurs sont réticents à louer à des foyers monoparentaux, parce qu'ils ont peur des loyers impayés. Sur ma commune, il y a plus de mille familles qui cherchent un logement. Certains vivent à plusieurs sous le même toit. Quand ils viennent me voir, les gens ont besoin d'écoute, de parler. Ils vous confient leur vie. Faute de projet politique global, ils se rattachent à l'élu qui leur donne le sentiment de se battre. On fait un peu assistante sociale, un peu psychologue. Mais on ne peut satisfaire leur demande que dans un cas sur dix. Même si on n'a pas de réponse, il faut leur redonner confiance.
«Cinquante voitures ont brûlé». «Aujourd'hui, il faut rétablir la confiance, et pas seulement avec les jeunes mais avec tous les habitants des quartiers. Cette nuit, j'ai vu un gars dont le camion venait d'être incendié. Aujourd'hui, il est au chômage. Ce ne sont pas les gens de Neuilly dont on crame les bagnoles, ce sont les voisins, parfois les amis des gamins qui mettent le feu. Depuis lundi, cinquante voitures et camions ont brûlé à Sevran. On venait de commencer à renégocier la sinistrabilité de la commune avec les assureurs. On voulait faire baisser notre franchise qui est de 90 000 euros, parce que nous avions connu moins de dégradations depuis 2003. Aujourd'hui, c'est foutu. Ces dernières nuits, on a des équipes d'agents municipaux et de bénévoles qui tournent sur la commune avec des extincteurs pour éteindre les débuts d'incendie. Dans la nuit de mercredi à jeudi, on a vidé quinze extincteurs ! La nuit précédente, on a réussi à arrêter un départ de feu dans une école. Aujourd'hui, il faut sauver les meubles, c'est-à-dire les écoles. Une école qui brûle, ce sont des gamins des cités à la rue. Cette nuit encore, ça risque de repartir. Ce qui est positif, c'est qu'on voit maintenant des adultes descendre dans la rue pour leur dire : "Arrêtez !"»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335993

Evénement
Banlieues. Editorial Deux erreurs
Par Patrick SABATIER vendredi 04 novembre 2005

On peut sourire des gros titres des médias étrangers sur une France aux prises avec une «Intifada du 9-3». Et dénoncer les boutefeux d'extrême droite qui crient à la «guerre civile». Les violences en Ile-de-France ont pris une forme de guérilla urbaine, mais ne relèvent pour l'heure que du maintien de l'ordre. Elles sont le fait de petites minorités de jeunes, voire très jeunes «casseurs» sans autre stratégie que de répondre à Sarkozy. Pour intolérables qu'elles soient, leurs violences ne sont pour partie que la manifestation d'un mal-être nourri d'exclusion, d'injustices et de misère. Même si certains d'entre eux peuvent être manipulés.
Il y a, face à cette situation, deux erreurs dont on espère que le gouvernement Villepin, confronté à sa première crise grave, ne les commettra pas.
La première serait d'entrer dans l'escalade de la violence, à laquelle certains ont intérêt ­ des caïds protégeant leurs trafics aux islamistes en mal de chair à jihad, sans oublier les hérauts de l'extrême droite raciste. Une répression, aveugle et désordonnée, ne ferait que donner une aura de rébellion à ce qui n'est encore qu'une manifestation de ras-le-bol contre des injustices, réelles ou imaginées.
La seconde erreur serait pour l'Etat de déserter un terrain, qu'il a lui-même miné par son (in)action et ses maladresses, et de laisser pourrir une situation qui l'est déjà assez. A l'heure où sifflent des balles et où brûlent des écoles, force doit rester à la loi. On ne doit pas abandonner des zones entières à une violence minoritaire qui pourrit d'abord la vie des habitants des cités. Non plus qu'à l'autorité d'instances, «communautaires» ou religieuses, au détriment de l'action courageuse de ceux, maires, médiateurs et associatifs, qui tentent, en première ligne, d'y faire vivre le pacte républicain. C'est eux que l'Etat doit appuyer, en leur donnant les moyens, d'abord financiers, de faire régner l'ordre, si on veut qu'il soit durable.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335992

Evénement
Banlieues Clichy s'apaise, la Seine-Saint-Denis s'enflamme toujours Des tirs à balles réelles ont été signalés hier à La Courneuve, Noisy-le-Sec et Saint-Denis.
Par Karl LASKE vendredi 04 novembre 2005

La propagation est là. Encore difficile à interpréter. Une semaine après le début des émeutes à Clichy-sous-Bois, les incidents ont continué à s'étendre dans la nuit de mercredi à jeudi, en banlieue parisienne. Selon le député (UMP) Georges Tron, des «groupes extrêmement organisés» sont à l'oeuvre et les violences «n'ont plus aucun lien» avec la mort de Zyed et Bouna, électrocutés à Clichy-sous-Bois, après une course poursuite avec la police (lire page 6). Hier, les services de police comptabilisaient 315 voitures brûlées la nuit précédente, dont 177 en Seine-Saint-Denis. Des tirs à balles réelles ­ sans faire de victime ­ ont été signalés à La Courneuve, contre la BAC, à Noisy-le-Sec, en direction des pompiers, et à Saint-Denis, contre des policiers.
Tache d'huile. Paradoxalement, la situation semblait sous contrôle à Clichy-sous-Bois, après la réunion de concertation du maire, Claude Dilain, et de son équipe avec le ministre de l'Intérieur, mercredi. Les élus de Clichy-sous-Bois avaient obtenu la mise en place d'un dispositif policier «moins provoquant», ainsi que l'avaient exigé les médiateurs des quartiers. «Ici, les choses s'apaisent, enfin touchons du bois, par la mobilisation de tous», explique un cadre municipal qui juge l'effet tache d'huile «effrayant». «A Clichy, nous avons assisté à une volonté d'affrontement avec la police, mais pas une volonté de tout fracasser comme ça.» Aulnay a perdu un poste de police et une école. La ligne B du RER a été caillassée au Blanc-Mesnil, où un bus de la ligne 251 a été attaqué, puis incendié. «Le prétexte, c'est la solidarité avec Clichy. Mais maintenant c'est d'en découdre avec les forces de l'ordre, si ce n'est avec Sarkozy. Les jeunes disent : "On va voir s'il va passer le Kärcher..."» Après le caillassage de deux bus à Stains hier, le trafic était fortement pertubé dans la soirée dans tout le département.
A Bobigny, à la Maison des avocats, lors d'une conférence de presse organisée par plusieurs organisations professionnelles, dont le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France (SAF), on parlait d'une «stratégie de la tension» du ministre de l'Intérieur, tout en déplorant le «retrait de l'Etat en matière de politique de la ville» en Seine-Saint-Denis. «Les mineurs qui sont déférés ces derniers jours pour des actes de violence sur des fonctionnaires sont peu connus, voire inconnus des services de police», a remarqué l'ex-président du Syndicat de la magistrature Alain Vogelweith, juge des enfants en Seine-Saint-Denis.
Contentieux. «Il ne s'agit pas de tenir un discours antipolice, mais il y a une incompréhension totale entre les jeunes et la police, a souligné Charlotte Trabut, pour l'Association des magistrats de la jeunesse et de la famille. Le contentieux jeunes-police se constate dans les affaires d'outrage et de rébellion, qui représentent une part énorme des dossiers que nous traitons.» Face aux jeunes, les effectifs de police en Seine-Saint-Denis sont «particulièrement jeunes et inexpérimentés», ont relevé avocats et magistrats. «Chacun a peur de l'autre», a commenté Me Cecile Curt, pour la section locale du SAF.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335991

France
Au moins 150 voitures incendiées en Seine-Saint-Denis
vendredi 04 novembre 2005 (Reuters - 07:11)

PARIS - Au moins 150 voitures ont été incendiées en Seine-Saint-Denis dans la nuit de jeudi à vendredi, apprend-on de source policière, huit jours après la mort controversée de deux jeunes de Clichy-sous-Bois.
Au total, 1.300 policiers, gendarmes et CRS ont été déployés sur le terrain pour cette huitième nuit consécutive de violences.
Le bilan des voitures incendiées, qui était de 50 en début de soirée, a été multiplié au moins par trois dans les heures suivantes, a déclaré un porte-parole de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Seine-Saint-Denis.
Par ailleurs, un incendie était en cours vers 03h00 dans un entrepôt de moquettes de 1.000 m2 dans le secteur de Garonor, sur la commune d'Aulnay-sous-bois, a-t-on appris auprès des pompiers. On ignore pour l'instant l'origine du sinistre.
En fin de soirée, la préfecture de Seine-Saint-Denis avait fait état de 41 feux de véhicules et 18 interpellations dans l'ensemble du département.
Des cars de CRS ont été la cible de tirs de pistolet à grenaille à Neuilly-sur-Marne.
"Le début de la soirée a été marqué par des incidents sporadiques essentiellement dans le nord du département sans qu'aucune confrontation directe avec les forces de l'ordre ne soit constatée", ont précisé les services de la préfecture.
Les violences se sont ensuite propagées vers le sud et l'est du département, notamment au Blanc-Mesnil où un entrepôt a été incendié et à Rosny-sous-Bois où un bus a brûlé.
A Aulnay-sous-Bois, où s'était concentrée une grande partie des violences mercredi soir, une voiture en feu a été projetée contre la "maison des associations".
Dans la nuit de mercredi à jeudi, 315 voitures avaient été incendiées en Région parisienne, dont près de la moitié en Seine-Saint-Denis. De plus, quatre tirs à balles réelles avaient été recensés dans ce département mercredi soir, notamment à La Courneuve et Noisy-le-Sec où policiers et pompiers ont été pris pour cible.
VILLEPIN ET SARKOZY "MAIN DANS LA MAIN"
Jeudi, Dominique de Villepin a présidé trois réunions sur l'explosion de violences dans les banlieues dans la journée et déjeuné avec le ministre de l'Intérieur. Devant les sénateurs, il a adopté un langage de fermeté.
"L'Etat républicain ne cédera pas. L'ordre et la justice dans notre pays auront le dernier mot", a déclaré le Premier ministre, qui a repris en mains le dossier des violences urbaines mardi.
"Notre devoir, à Dominique de Villepin comme à moi-même, c'est de travailler main dans la main, en totale confiance, en totale coordination", a déclaré Nicolas Sarkozy dans la soirée sur i-télé. "Il ne peut pas y avoir de divisions entre nous, et il n'y en aura pas parce que le problème est trop sérieux".
Le Parti socialiste a dénoncé le "bilan désastreux" du gouvernement après une semaine d'émeutes et réclamé un "débat national" pour "réorienter complètement" la politique en matière de lutte contre l'insécurité.
Selon les premiers résultats de l'enquête de l'Inspection générale des services, la "police des polices", et de la procédure judiciaire sur les événements de jeudi dernier, le groupe de trois jeunes qui était entré dans l'enceinte protégée d'EDF n'avaient pas été pris en chasse par les forces de l'ordre.
Le rapport préliminaire de l'IGS stipule également qu'un policier sur place avait signalé à sa hiérarchie le risque encouru par les adolescents s'ils parvenaient à entrer dans le transformateur.
Au vu de ces premiers éléments, le procureur de la République de Bobigny, Jacques Molins, a décidé d'ouvrir une information judiciaire contre X pour non assistance à personne en danger afin de déterminer si "toutes les dispositions de sécurité, de protection et de prévention" ont été prises ce soir-là.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=336038

Evénement
Banlieues Les élus sonnent l'alarme face a la violence Les maires de Seine-Saint-Denis, dépassés par la flambée de ces derniers jours, essaient de trouver des solutions. Exemple à Aulnay-sous-Bois.
Par Ludovic BLECHER vendredi 04 novembre 2005

Sébastien Malonga enrage. «Depuis quatre jours, la rue Edgar-Degas (où un poste de police a été saccagé mercredi soir, ndlr) est dans l'obscurité. Que la lumière ait été détériorée, c'est une chose. Mais on aurait pu la rétablir. Sans lumière, on ne peut même pas constater qui commet ces actes», s'emporte le président de la Confédération syndicale des familles, association implantée au coeur de la cité des 3 000 à Aulnay-sous-Bois. Puis, s'adressant au maire (UMP) de la ville, Gérard Gaudron : «A moins que vous ne nous laissiez dans le noir parce qu'on le mérite ?» La réponse fuse : «On ne casse pas les voitures parce qu'il n'y a pas d'éclairage, on casse l'éclairage pour casser les voitures. Si vous trouvez quelqu'un pour le remettre en état le soir dans un climat d'émeute, je suis preneur.»
L'échange témoigne du dialogue parfois difficile entre municipalités et acteurs de terrain. Il démontre surtout l'impuissance d'un maire dépassé, comme nombre de ses homologues de Seine-Saint-Denis, dont celui de Sevran (lire page 4), par la violence, qui, chaque soir depuis dimanche, gagne la ville. Des édiles de tous bords leur ont d'ailleurs exprimé hier leur solidarité en réclamant, comme l'Association des maires Ville et Banlieue de France, «à être reçus en urgence par le Premier ministre». «Les maires sont en première ligne dans la mise en oeuvre des politiques de la ville. Quand elles sont défaillantes, ils en subissent les conséquences désastreuses, et en sont comptables auprès de leurs concitoyens», ajoutait hier le Forum français pour la sécurité urbaine (regroupant 130 villes de gauche et de droite), qui demande à Dominique de Villepin «la mise en place sans délai d'une commission des maires».
«Une réponse républicaine face à des actes gratuits»
Confronté à une poussée de fièvre sans précédent ­ concession automobile incendiée, poste de police saccagé, caserne des pompiers attaquée, deux salles de classe d'une école primaire vandalisées, incendies de dizaines de voitures, jets de pierre et de cocktails Molotov contre les CRS ­, le maire d'Aulnay-sous-Bois a tenté de trouver une parade. Avant de se rendre à Matignon avec une délégation d'autres élus de la région (lire ci-dessous) réclamer un soutien accru des pouvoirs publics, Gérard Gaudron a rassemblé hier ses troupes en mairie. Elus, chefs d'entreprise, commerçants, membres associatifs, responsables cultuels et culturels, tout ce que l'hôtel de ville compte comme relais a été convoqué. Manière de manifester que, en face des casseurs, il y aura du répondant.
La première réponse sera symbolique : un rassemblement silencieux samedi prochain. Habitants, commerçants, élus du département y sont tous conviés. «Il ne s'agit pas d'une provocation, mais d'une simple réponse républicaine face à des actes délictueux et gratuits causés par une minorité», précise l'édile. D'ici, là, il espère faire baisser la tension.
Pour calmer les esprits, la ville a sa méthode. Partant du constat que, «sur les 150 à 200 jeunes qui descendent dans la rue, la plupart se laissent entraîner et que certains sont peut-être manipulés par des gens qui ne sont pas d'Aulnay», le maire dit vouloir isoler le noyau dur. «On compte beaucoup sur les associations, les acteurs de terrain, précise l'adjoint à la sécurité. On va activer l'ensemble de notre réseau pour raisonner les jeunes. S'ils ne sont plus deux cents mais qu'il n'en reste qu'une trentaine, particulièrement motivée, la police pourra les interpeller.»
«Du porte-à-porte, pour s'adresser aux parents»
Gérard Gaudron renchérit : «Ce ne sont pas tous des voyous. Certains viennent juste pour s'amuser. Au lieu de jouer à la Playstation, ils tapent des CRS. Dans quelques jours, ceux-là reprendront une vie normale, et là on pourra s'occuper des autres.» Cette stratégie repose sur une présence accrue des CRS, donc un sérieux coup de main de la préfecture. Car, mercredi soir, le déploiement progressif des policiers et CRS stationnés au Stade de France a pris trop longtemps. Lorsqu'ils sont arrivés, toute leur énergie a été consacrée à regagner le terrain occupé par les jeunes. «Il faut arriver à prendre les choses dès le départ et ne pas se laisser déborder», dit-on à la mairie.
Parallèlement à la police, les associations sont appelées à «faire leur boulot». Plusieurs d'entre elles se sont réunies hier après-midi dans un centre social de la cité des 3 000 pour trouver des solutions. «J'ai proposé de faire du porte-à-porte pour s'adresser aux parents. Il n'y a qu'eux qui peuvent tenir leurs enfants, dit Aissa Diawara, directrice de l'association des Femmes relais aux 3 000. D'autres ont proposé d'aller à la rencontre des jeunes dans la rue, ou d'aller voir les proviseurs dans les collèges.» Mais, inquiets de la tournure que pouvait prendre la soirée d'hier, ils ont décidé de ne pas aller au contact avant aujourd'hui. Certains se contentent, pour l'heure, d'appeler «un à un tous les parents qu'on a dans notre carnet d'adresses».
«Dans ce contexte, c'est très difficile de dialoguer»
Dans la ville, nombreux reconnaissent qu'ils n'ont plus de prise. «Depuis cinq ans, on joue l'interface avec les jeunes, à la demande de la mairie, explique Karim Haddou, membre de l'Espérance musulmane de la jeunesse française. On remonte des problèmes de fond. Mais, dans le contexte actuel, c'est très difficile de dialoguer avec les jeunes.» Un autre membre de l'association reconnaît avoir «perdu la confiance».
Teddy, 19 ans, employé d'une entreprise de télécoms d'Aulnay et invité hier matin à la mairie, estime, lui, qu'il faut renouer les fils du dialogue au lieu de «dresser des bilans» : «Le maire se demande comment calmer les esprits, mais il ne propose rien pour que ça change. Il faudrait commencer par écouter les jeunes. Ce sont eux qu'il fallait inviter à dialoguer.» D'autres, au coeur même de la cité des «1000-1000», comme disent les habitants, ont une solution plus radicale. «Ils devraient commencer par décréter un couvre-feu», lance Marcelle, 79 ans, dont trente-cinq au pied des tours. Son cabas à la main, elle peste contre un maire «bien planqué, qu'on ne voit jamais sauf au moment des élections».
«Une salle des jeunes si petite qu'elle ne sert à rien»
Devant une agence bancaire incendiée et une carcasse de voiture, un groupe d'adolescents dénonce en bloc «la salle des jeunes, si petite qu'elle ne sert à rien», «le terrain de foot pourri qu'ils auraient dû refaire depuis quatre ans» et les adeptes de beaux discours «qui ne viennent jamais nous voir alors qu'on galère toute la journée». S'amusant d'une ville qui ressemble plus «à Bagdad qu'à Monaco», ils comprennent «ceux qui font ça, même s'ils ne devraient toucher ni aux pompiers ni à nos voitures». A quelques mètres de là, le supermarché a, de sa propre initiative, choisi de retirer des rayons les bouteilles d'acide chlorhydrique et de produits inflammables...
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335988

Société
A Aulnay-sous-Bois, la mairie se prépare à une autre nuit d'émeutesThéâtre des plus graves incidents en Ile-de-France la nuit dernière, la commune a défini jeudi après-midi une stratégie pour parer tout dérapage : démobiliser ceux qui se laissent embrigader pour que les forces de l'ordre puissent «paralyser» ceux qui les «manipuleraient»
Par Ludovic BLECHER jeudi 03 novembre 2005 (Liberation.fr - 16:32)

«Ce qui se passe ici, ce n'est pas à cause de la mort des deux jeunes de Clichy, mais ce sont les propos de Sarkozy ensuite qui ont révolté les jeunes. Il la joue comme dans un régime bananier, la force par la force, face à de jeunes révoltés». Zinedine, 31 ans, entrepreneur à Aulnay-sous-Bois, y a longtemps habité. Aujourd'hui, il y travaille. Comme d'autres représentants de chefs d'entreprises, membres associatifs, responsables cultuels et culturels, il a été convié jeudi matin à la mairie d'Aulnay-sous-Bois, théâtre la veille des plus graves incidents en Ile-de-France. Démuni face à la révolte de 150 à 200 jeunes, selon les services municipaux, le maire UMP Gerard Gaudron tente d'organiser la parade. Tous ici craignent une nouvelle nuit d'émeutes. «Notre objectif est de tout faire pour qu'il n'y ait plus 200 jeunes, mais une trentaine seulement, les plus motivés, et que les forces de l'ordre puissent les interpeller», explique l'adjoint à la sécurité.
Cet après-midi, les associations vont se réunir et mettre eu point une action de terrain pour tenter de calmer les esprits en allant directement parler aux jeunes. A la mairie, on dit vouloir arriver à démobiliser ceux qui se laissent embrigader pour que les forces de l'ordre puissent «paralyser» ceux qui les «manipuleraient». Le maire doit aussi rencontrer le préfet et le cabinet du Premier ministre, Dominique de Villepin. Avec l'intention d'obtenir des renforts policiers pour éviter la pagaille de la veille. Mardi soir, les 800 policiers et CRS stationnés au Stade de France ont mis du temps à se déployer. Lorsqu'ils sont arrivés toute leur énergie a été consacrée à regagner le terrain occupé par les jeunes. «Cette fois il faut arriver à prendre les choses dès le départ et ne pas se laisser déborder», dit-on à la mairie.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335848

Société
«C'est la guerre, chez vous aussi»Un car de touristes russes se serait retrouvé en plein milieu des émeutes de Seine-Saint-Denis • Vu de Russie, une «nuit de cauchemar» •
Par L.M. jeudi 03 novembre 2005 (Liberation.fr - 17:22)
Moscou de notre correspondante

« Des Russes pris dans les pogroms de la région de Paris», «Nuit de cauchemar»... En Russie, les émeutes françaises font depuis deux jours l'ouverture des journaux télévisés, avec jeudi un épiphénomène devenu central à travers la loupe des médias russes. Un car de touristes russes se serait retrouvé au cœur des «pogroms» de Saint-Denis, rapporte la chaîne NTV, illustrant la scène d'images de voitures en feu et de CRS harnachés comme pour la guerre. Pour le spectateur russe, habitué à voir les forces spéciales russes assiéger des «terroristes islamistes» dans le Caucase, le parallèle semblait frappant. «C'est la guerre, chez vous aussi», en déduisait jeudi un lecteur attentif de la presse russe.«Un groupe de 25 adolescents, essentiellement d'origine arabe», a stoppé le bus, «écarté les touristes et le chauffeur» et «emmené l'autobus vers une destination inconnue», racontait jeudi NTV, assurant que l'autobus aurait ensuite été retrouvé «brûlé». Plus tard, les médias russes, passionnés par cette affaire, établissaient toutefois que l'autobus n'a pas brûlé. Selon la première chaîne russe de télévision, les touristes russes auraient «pris le thé dans un café lorsque soudain, ils virent passer devant eux l'autobus avec lequel ils étaient arrivés». «A l'intérieur, des ressortissants d'Afrique du nord et du Proche-Orient». Une course-poursuite s'en serait ensuivie, et «les jeunes à l'intérieur du bus ont commencé à jeter les affaires des touristes», jusqu'à ce que la police réussisse à stopper le véhicule. «La jeunesse locale s'attaque à des gens de peau blanche juste à l'entrée de l'hôtel, alors qu'il y avait juste à côté des gardes armés» s'indignait hier un des touristes russes cité par la chaîne de télévision Rossia. «Traiter les touristes ainsi n'honore pas les habitants de la France», renchérissait une autre touriste russe.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335860

Société
Nuit de violence en banlieue parisienne Ecole primaire incendiée, poste de police saccagé à Aulnay-sous-Bois, gymnase et magasins à feu au Blanc-Mesnil, callaissages, voitures endommagées... Les incidents ont embrasé dans la nuit de mercredi à jeudi différentes communes de Seine-Saint-Denis • Au même moment, la violence a gagné d'autres départements de la région parisienne
jeudi 03 novembre 2005 (Liberation.fr - 11:30)

Plusieurs villes de Seine-Saint-Denis ont connu une nouvelle nuit de violence, principalement à Aulnay-sous-Bois, qui semble prendre le relais de Clichy-sous-Bois, à l'origine des émeutes. Peu avant 23 heures, des jeunes d'Aulnay ont saccagé le poste de police du quartier Gaillon, près de la cité des 3.000, toujours fermé la nuit pour raison de sécurité. Plus tôt dans la soirée, certains avaient même tenté de l'incendier. Toujours à Aulnay-sous-Bois, un concessionnaire Renault et deux classes d'une école primaire ont pris feu. Dans la ville voisine du Blanc-Mesnil, c'est un gymnase qui a été incendié. Une soixantaine de pompiers ont été mobilisés. L'un d'entre eux a été brûlé au visage par un cocktail Molotov lancé par une voiture, plusieurs engins de pompiers ont été endommagés par des projectiles. Les sapeurs pompiers de Paris indiquent avoir reçu «plusieurs centaines d'appels» au cours de la nuit, pour des incendies de voitures ou de poubelles.
Selon un premier bilan de la préfecture de Seine-Saint-Denis, une quarantaine de véhicules, dont la voiture d'une équipe de France 2, ont été incendiés à Bobigny, Bondy, Aulnay, le Bourget, Villepinte, La Courneuve, Clichy et Sevran, le tout parfois agrémenté de «caillassages et prise à partie des forces de police». La préfecture de Bobigny avait elle-même été le théâtre de violences inhabituelles, jeudi en fin d'après-midi, avec la mise à sac du centre commercial Bobigny 2 par une quarantaine de personnes encagoulées.
Les violences se propagent à d'autres départements de la banlieue parisienne. A Antony (Hauts-de-Seine), dont le maire est Patrick Devedjian, fidèle de Nicolas Sarkozy, des véhicules ont été incendiés et deux cocktails Molotov lancés sur un commissariat. A Villeparisis (Seine-et-Marne), dix feu de véhicules ont été signalés. En revanche, Clichy-sous-Bois a connu une nuit relativement calme, la première depuis une semaine, en dehors de quelques poubelles incendiées. Son maire, Claude Dilain (PS), avait annoncé que «le dispositif, cette nuit, sera adapté et nettement moins provoquant».
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335803

Evénement
Cités. Une colère qui court au-delà de Clichy En Seine-Saint-Denis, à Strasbourg ou à Vaulx-en-Velin, beaucoup disent leur ras-le-bol et n'excluent pas une propagation de la violence.
Par Ludovic BLECHER et Olivier BERTRAND et Thomas CALINON et Jacky DURAND et LEBEGUE Thomas jeudi 03 novembre 2005
(1) Jeunes en cité, l'Harmathan.

Une colère profonde, durable. C'est le constat commun des intervenants de la banlieue quand on les interroge sur les risques de contagion à d'autres cités des incidents qui, depuis le 27 octobre au soir, embrasent Clichy-sous-Bois. Depuis vendredi, les feux de poubelles et de voitures se sont étendus à d'autres villes de Seine-Saint-Denis : Montfermeil, voisine de Clichy, d'abord, puis Aulnay-sous-Bois, Bondy, Neuilly-sur-Marne, Sevran et Tremblay-en-France. Dans la nuit de mardi à mercredi, les incidents ont gagné le Val-d'Oise (Goussainville, Argenteuil, Villiers-le-Bel) et les Yvelines (Mantes-la-Jolie). Hier soir, une quarantaine de personnes cagoulées ont tenté de s'en prendre au centre commercial Bobigny-2 (Seine-Saint-Denis) avant d'être dispersées par la police. Au total, selon un bilan de la préfecture de Seine-Saint-Denis (effectué à 22 h 45), neuf communes du département étaient touchées, 40 véhicules incendiés, et un poste de police à Aulnay, désert la nuit, investi par des jeunes puis repris par les forces de l'ordre.
Faut-il pour autant craindre une extension des violences ? Un responsable policier qui scrute au plus près la banlieue nord de Paris en écartait, hier, l'éventualité: «On ne croit pas à une concertation généralisée entre les quartiers. Il y a trop de conflits entre les bandes des cités. On est plus dans une réaction commune aux discours de Nicolas Sarkozy. Une forme d'émulation s'est installée parmi les jeunes pour faire les bravaches après s'être fait traiter de "racaille".» Le sociologue Eric Marlière, qui a écrit sa thèse de doctorat (1) sur la cité où il a grandi, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), ne parle pas de contagion mais de «sentiment de destin commun, dans lequel les jeunes peuvent se retrouver. Qu'ils soient bac + 5 au chômage ou en échec scolaire, ils éprouvent un profond sentiment d'injustice. Et l'amertume est peut-être encore plus forte pour ceux qui ont fait l'effort de faire des études».
Contentieux. Ce diagnostic d'une crise profonde, dont le fait divers de Clichy-sous-Bois aurait été seulement le déclencheur, est partagé par Hugues Lagrange, membre de l'Observatoire sociologique du changement de Mantes-la-Jolie : «Quel que soit le résultat de l'enquête sur les deux jeunes électrocutés, la dynamique des affrontements révèle le lourd contentieux avec la police.» Pour lui, la déshérence économique explique «que la rumeur puisse prendre en si peu de temps et se déplacer de ville en ville. Le traitement du chômage est en panne, les missions locales ne savent plus ce qu'elles doivent faire, les jeunes au pied des tours ne savent plus à qui s'adresser...» André Decroix, président de l'association Europe-Afrique, implantée dans le quartier des Pyramides à Evry (Essonne), estime lui aussi que ces violences «sont des signaux d'alarme sur le climat général dans les banlieues, qui est antérieur à ce qui s'est passé à Clichy-sous-Bois».
Solidaires. A Aulnay, la tension a commencé à monter dimanche. Des voitures ont été incendiées. Mardi soir, l'émeute. «J'habite le quartier depuis une dizaine d'années, raconte Aissa Diawara, 34 ans, directrice de l'association de femmes Relais, à la Cité des 3 000. Cette violence m'a surprise, même si on peut comprendre que les jeunes se sentent solidaires de ce qui s'est passé à Clichy. Ici, ils ont l'impression d'être systématiquement contrôlés, sans raison. Même mon fils m'a dit récemment que s'il voyait un contrôle de police en rentrant du sport, il partirait en courant.» Nazim, 26 ans, est travailleur social à La Courneuve: «Le 93 cumule les difficultés : 80 % de la population la plus pauvre y habitent, le pourcentage de logements sociaux est un des plus élevés en France. On ne peut pas s'étonner de la diffusion de la violence.»
Pour Georges Mothron, député-maire (UMP) d'Argenteuil, ville où la visite de Sarkozy avait fait monter la tension le 25 octobre, la situation est nouvelle : «Pour la première fois, j'ai eu des emmerdes personnelles. Ma voiture a été incendiée et mon domicile visité. Du jamais vu ! Je suis né à Argenteuil et j'ai toujours pu me balader partout, à n'importe quelle heure, mais là, on a franchi un cran. Cela dit, il ne suffit pas d'agiter le bâton sans la carotte. Il faut faire du préventif et ne pas faire l'amalgame entre la petite minorité agissante et la grande majorité des jeunes qui tentent de s'en sortir. Ce sont ces amalgames que j'ai regrettés après la visite de Sarkozy.»
Prétexte. Les violences en Ile-de-France peuvent-elles gagner d'autres régions ? De source officielle, Strasbourg est calme, mais un policier précise «qu'il suffit d'un prétexte, qu'un policier regarde un jeune de travers pour mettre le feu aux poudres». A Hautepierre, quartier sensible, Khaled confirme : «C'est calme, mais seulement parce que c'est le ramadan, explique cet homme de 25 ans, sans emploi. Après les propos [de Sarkozy, ndlr], il y en a qui sont susceptibles de s'énerver. C'est honteux de la part d'un Premier ministre [sic] de traiter les jeunes de racaille. On est des Français comme les autres. On paie des impôts et on galère pour trouver du travail. Ce qu'il a dit, j'appelle ça de l'abus de pouvoir. Ce mec, c'est un amplificateur de violences.» «Quand Sarkozy traite les jeunes de racaille, ça ne nous étonne pas», dit Maya Boukari, de l'association Prosper'IT, créée après la mort d'un jeune de 17 ans originaire de Hautepierre, qui s'était noyé en tentant d'échapper à la police après un cambriolage en 2002. Un décès qui avait provoqué plusieurs nuits de violences et la visite du ministre de l'Intérieur. «Il avait déjà traité les jeunes de voyous, sans chercher à comprendre ce qui se passait, se souvient-elle. Sarkozy stigmatise plutôt que d'essayer de résoudre les problèmes.»
Etat de guerre. Avec une étonnante discrétion, Vaulx-en-Velin vient de vivre six jours d'échauffourées, juste avant l'embrasement de Clichy-sous-Bois. Le 16 octobre, deux adolescents circulaient sur un scooter volé. Une voiture de la brigade anticriminalité arrivait en face. Selon la version policière, le conducteur du scooter a tenté de leur échapper et heurté des véhicules en stationnement. Mais selon Nabil (18 ans), conducteur du scooter, interrogé par l'hebdomadaire Tribune de Lyon, les policiers ont volontairement «pare-choqué» le deux-roues. Dans le quartier, la rumeur a donné Nabil pour mort (il s'en est tiré avec une cheville brisée). Les incidents ont duré six jours. «Pas des émeutes», précise un chef d'établissement scolaire qui a passé plusieurs soirées avec un collègue au Mas du Taureau, où ils ont observé «un état de guerre du côté des forces de l'ordre, peu efficaces et qui ne connaissaient visiblement pas le quartier».
Et demain ? Amar Henni, responsable au centre de formation Essonne (qui forme des travailleurs sociaux), en est convaincu : «Un jour, il y aura un embrasement général. Quand le ras-le-bol aura intégré d'autres générations que les jeunes. Aujourd'hui, même les gens qui travaillent en banlieue sont précaires et vivent l'exclusion. Pour l'instant, les parents ont peur pour leurs gamins quand ils se mesurent à la police. Mais demain, ils descendront dans la rue, c'est une évidence.»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335763

Société
«Les jeunes au pied des tours ne savent plus à qui s'adresser» Alors que Jacques Chirac a appelé au calme après les violences urbaines, Libération.fr interroge plusieurs acteurs de terrain dans les banlieues qui ont connu des incidents.
Par Ludovic BLECHER et Renaud LECADRE mercredi 02 novembre 2005 (Liberation.fr - 13:54)

Jacques Chirac a appelé mercredi en Conseil des ministres à l'apaisement des «esprits» dans les banlieues. Alors que les violences urbaines se sont poursuivies mardi soir en Seine-Saint-Denis, des incidents ont eu lieu dans au moins trois autres départements de la banlieue parisienne. Face à la montée de la tension, le chef de l'Etat a estimé que la loi devait s'appliquer «fermement et dans un esprit de dialogue et de respect». Selon Jacques Chirac, «l'absence de dialogue et l'escalade de l'irrespect mèneraient à une situation dangereuse», a indiqué le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé qui rendait compte de ses propos.
Et pour tenter de trouver des mesures d'apaisement, Dominique de Villepin réunit, depuis la fin de la matinée, plusieurs ministres «concernés par la mise en œuvre des actions dans les zones urbaines sensibles» à Matignon. Nicolas Sarkozy (Intérieur), Michèle Alliot-Marie (Défense), Jean-Louis Borloo (Cohésion sociale), Gilles de Robien (Education nationale), Pascal Clément (Justice), François Baroin (Outre-Mer), mais aussi trois ministres délégués, Azouz Begag (Promotion de l'égalité des chances), Catherine Vautrin (Cohésion sociale et Parité) et Brice Hortefeux (Collectivités territoriales), entoureront ainsi le Premier ministre. Alors que le gouvernement tente de reprendre la main, «Libération» a interrogé des acteurs de plusieurs villes actuellement concernées par les violences urbaines pour recueillir leur sentiment sur un dialogue de plus en plus difficile entre les jeunes et les institutions.
Hugues Lagrange, Mantes-la-Jolie
Observatoire sociologique du changement
«A Mantes, la situation est assez calme cette année, mais la sensibilité reste exacerbée. Le désarroi ambiant peut tout faire repartir. Quel que soit le résultat de l'enquête sur les deux jeunes électrocutés, cette dynamique des affrontements révèle le lourd contentieux à l'égard de la police, du délit de sale gueule. Les jeunes se mettent à courir même s'ils ne sont pas effectivement poursuivis. Que la rumeur puisse prendre en si peu de temps et se déplacer de ville en ville en dit long sur le bilan des politiques menées depuis cinq ou sept ans. Il y a quelquechose qui dépasse l'incident: le traitement du chomage est en panne, les missions locales ne savent plus ce qu'elles doivent faire, les jeunes au pied des tours ne savent plus à qui s'adresser.»
Aissa Diawara, 34 ans, Aulnay-sous-Bois
Directrice de l'association des Femmes Relais, implantée à la cité des 3000
«La tension a commencé à monter dimanche dernier. Quelques poubelles ont été incendiés, puis des voitures le lendemain. Et mardi soir, c'était l'émeute. J'habite le quartier depuis une dizaine d'années, et c'est la première fois que je vois ça ailleurs qu'à la télévision. J'ai passé la soirée à la fenêtre: il y avait des feux partout, une quinzaine de jeunes jouait au chat et à la souris avec les CRS. Chacun était de son côté, il n'y avait pas de contact. Cette violence m'a surpris même si on peut comprendre que d'une certaine façon les jeunes se sentent solidaires de ce qui s'est passé à Clichy. Ici, ils se sentent visés en permance, ils ont l'impression d'être systématiquement contrôlés sans raison. Ce n'est pas acceptable et ça crée un climat particulier. Même mon fils m'a dit récemment que s'il voyait un contrôle de police en rentrant du sport, il partirait en courant. Ici, il y a cette idée bien ancrée que la police peut vous arrêter même si vous n'avez rien fait. Mais ça n'explique pas pourquoi ceux d'Aulnay réagissent en mettant le feu au quartier. On ne s'attendait pas du tout à ça. J'ai rencontré beaucoup de personnes ce matin qui sont en colère. Ils accusent les parents, se demandent pourquoi leurs enfants sont dehors à cette heure-ci. Même si on peut comprendre que les jeunes se sentent solidaires de ce qui se passe à Clichy, retourner la violence contre le quartier c'est la retourner contre eux-mêmes».
Nazim, 26 ans, La Courneuve
Travailleur social
«Par rapport à d'autres départements, le 93 empile les difficultés. Si on prend par exemple le Val-de-Marne ou le Val-d'Oise, il y a des concentratrions de quartiers difficiles, des îlots de pauvreté mais ce n'est pas exclusif comme en Seine- Saint-Denis. Ici on cumule tout : 80% de la population la plus pauvre habite dans le département, le pourcentage de logements sociaux est l'un des plus élevés en France, à part Le Raincy quasiment aucune zone n'est épargnée. Tout cela crée une situation hypertendue, et on ne peut pas s'étonner de la diffusion de la violence. Même si je constate que certaines zones, moins densément peuplées que l'est du 93 sont touchées, ce qui est nouveau. Après l'affaire de Clichy, les critiques se focalisent autour du comportement des policiers. On peut considérer que les flics du département sont un peu plus bornés qu'ailleurs, mais ils ont l'impression d'être en permanence confrontés à un terrain explosif, ce qui est vrai. Les travailleurs sociaux aussi ou ceux qui bossent en mairie peuvent être perçus un peu comme des flics. Ils représentent une institution qui a déserté les lieux et qui en gêne certains.
Mais il ne s'agit pas d'incriminer tel ou tel corps professionnel, il faut regarder les causes. Si les politiques n'agissent pas sur le fond, sur les problèmes d'urbanisme et d'emploi qui sont indissociables, ça continuera. La montée du communautarisme, des délinquances urbaines, tout cela ne changera pas si on ne change pas le décor de ceux qui vivent ici. Il faut continuer de détruire l'habitat ancien et mettre de la mixité sociale dans les quartiers. Les politiques feraient mieux de mettre des moyens en œuvre plutôt que de faire des déclarations qui mettent le feu au poudres. Quand Sarkozy dit qu'il y en a marre de la racaille, ça renforce encore l'impression qu'il regarde les choses de l'extérieur et ne propose aucune solution de fond.»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335531

Clichy-sous-bois Grenade a la mosquee, Clichy sous le choc L'explosion dimanche soir d'une grenade lacrymogène des CRS, après trois nuits d'émeutes, a maintenu la colère. Sarkozy a admis, sans condamner.
Par Karl LASKE mardi 01 novembre 2005

L'image projetée sur le mur est agrandie, imprécise. C'est une scène de panique, filmée par un portable, dimanche soir à la mosquée Bilal, à Clichy-sous-Bois. On court dans tous les sens. Silhouettes de fuite, des hommes, des femmes, vêtements colorés. Bruits sourds de plaintes. Quelques cris. Le souffle de celui qui a filmé. La scène dure une minute tout au plus. Les responsables de la mosquée ont tenu à faire connaître, hier, le nouveau dérapage des forces de l'ordre dans la ville. Plusieurs grenades lacrymogènes ont été tirées, dimanche soir vers 20 h 30, par les CRS aux abords de la mosquée. Dimanche, la police avait fait savoir au maire de Clichy qu'elle n'était pas à l'origine du tir. Selon les témoins, l'une des grenades, au moins, aurait été lancée à l'intérieur du bâtiment, en pleine heure de prière. La panique a saisi des centaines de personnes. «La fumée a tout envahi, témoigne Khatija, tenant à la main ses deux chaussons verts. Tout le monde toussait, pleurait. Beaucoup sont tombés dans les pommes, C'est vraiment grave. On avait des personnes âgées, et beaucoup de mamans. Ici, c'est comme l'église, la synagogue...»
«Des excuses». Conséquence immédiate : déjà secouée par la mort de deux jeunes, électrocutés, jeudi, lors d'une course-poursuite avec la police, la ville a vécu une nouvelle nuit d'émeutes. Hier, la mosquée Bilal, située à l'arrière d'un centre commercial entouré d'immeubles décrépits, s'est ouverte aux journalistes. Dans la confusion. Pour dénoncer «le gazage de la mosquée». Les familles de Bouna et Zyed, les deux jeunes décédés, ainsi que le père de Metin, grièvement blessé, sont là aussi. «La vidéo, c'est malheureusement, l'accident... l'incident d'hier soir», explique un jeune responsable musulman : «Je demande que les auteurs du tir de dimanche soir soient traduits en justice. Ce qui s'est passé, hier, est indigne de la République française.» Abderamane Bouhout, l'un des responsables du lieu, a été reçu par le ministre de l'Intérieur, à Bobigny, un peu plus tôt. «J'ai demandé une enquête, rapporte-t-il, et qu'elle soit faite le plus vite possible.» Et aussi «des excuses». Nicolas Sarkozy, lui, a annoncé qu'il «pourrait savoir comment et pourquoi une bombe lacrymogène a pu pénétrer dans la mosquée». «Il n'y avait aucune volonté de quiconque de blesser ou de considérer que la mosquée n'est pas un lieu qui doit être profondément respecté», a-t-il commenté publiquement. Façon d'admettre l'incident sans toutefois le condamner.
Les jeunes, autour de la table, trépignent. «Non : ce tir, c'est pas une erreur !» murmure l'un d'eux. «Ce soir même, je suis dehors !» lance-t-il à mi-voix. «On touche à la mosquée ? Demain, ils rentrent chez nous !» Apaisant, Abderamane Bouhout envisage de recevoir Nicolas Sarkozy «si tout se passe comme il l'a promis». En attendant, les familles des jeunes décédés ont finalement refusé de se rendre Place Beauvau, hier. Au premier étage de la mosquée, les jeunes se «concertent». Tarik parle : «J'aimerais rappeler les faits, dit-il d'une voix posée. Il y a eu énormément de comportements agressifs, d'insultes, vis-à-vis des gens qui habitent ce quartier. Dimanche, il y avait des policiers qui étaient là pour taper du bougnoule, il faut bien le dire. Il y a eu des femmes insultées en sortant d'ici. Les policiers en sont venus à tirer une grenade dans la mosquée. Et la violence est repartie.» Il conclut : «On est dans un Etat, mais on ne sait pas si c'est un Etat de droit. Je demande aussi un message du gouvernement pour nous rassurer. Rassurez-nous !»
«Désamorcez !» Plus âgé, Mustapha témoigne aussi : «On a entendu un bruit comme une explosion. Les policiers étaient devant la mosquée, courant à gauche et à droite. Tout le monde s'est sauvé.» «Les femmes avaient tout abandonné derrière elles, leurs foulards, leurs sacs, leurs chaussures, raconte Alex Jordanof, un journaliste de Canal + arrivé sur place quelques minutes plus tard. Moi j'ai vu des cartouches de grenades traîner un peu partout.» De son côté, le maire socialiste de Clichy-sous-Bois, Claude Dillain, a constaté que «les CRS chargeaient». Il n'a vu qu'une «cartouche». La police a fait savoir, hier soir, que la grenade n'avait «pas explosé dans la salle de prière», mais avait été «envoyée en l'air à l'aide d'un fusil avec une trajectoire instable». Les «petits pots contenant le gaz» libérés par la grenade ont «été trouvés près d'une entrée de la salle de prière, mais pas à l'intérieur».
Aux anciens qui, dans la mosquée, demandent le «calme ce soir», un jeune répond : «Alors, désamorcez !» «Que Sarkozy et les policiers quittent Clichy et le calme va revenir.» Le discours du ministre est à des années-lumière. «Ceux qui ont été agressés, ce sont les forces de l'ordre et non pas les voyous», a-t-il asséné à Bobigny, tout en soulignant sa «nouvelle stratégie». «L'occupation du terrain, de façon permanente dans tous les quartiers difficiles.» Venu rencontrer le ministre à la préfecture, le maire de Clichy ne cachait pas son pessimisme. «On voudrait foutre le feu à Clichy, on ne s'y prendrait pas autrement», a-t-il confié à Eric Raoult, député-maire (UMP) du Raincy. Avant de lancer au préfet : «Si on a encore une capacité à calmer les choses, ce n'est pas en s'affichant avec Sarkozy, je vous le dis carrément, M. le préfet.»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335197

Evénement
Clichy-sous-bois La nuit, le feu s'étend aux villes voisines Des voitures ont encore brûlé dans la nuit de lundi à mardi. Interpellations à Clichy et à Sevran.
Par Karl LASKE et Gilles WALLON mercredi 02 novembre 2005

A Clichy-sous-bois, c'était la première visite d'une personnalité depuis «les événements». Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) s'est rendu, hier avant la prière du soir, à la mosquée Bilal, touchée par des tirs de grenades lacrymogènes dimanche à Clichy. «L'émotion était à son comble», a-t-il commenté. Tout en exprimant «sa solidarité avec ses frères», il a déclaré avoir «besoin d'éclaircissements sur la mort des adolescents (Bouna et Zyed) et de connaître des éléments de l'enquête sur les grenades». De son côté, à la suite du rendez-vous à Matignon avec les familles des victimes (lire page 4), Nicolas Sarkozy devait rencontrer hier soir le maire PS Claude Dilain et son équipe ­ vraisemblablement accompagnés de travailleurs sociaux ­ pour une tentative d'apaisement. Mais à distance. Car depuis jeudi, aucun responsable du gouvernement ne s'est risqué sur place.
Des flammes à l'école. «Si ça pète, ça peut partir dans tous les sens. Et c'est ce qui est en train de se passer», disait, hier, Stéphane Gatignon, le maire (PCF) de Sevran, redoutant l'effet de propagation après les premiers incidents survenus durant la nuit dans sa commune, voisine de Clichy-sous-Bois. Plusieurs voitures y ont été incendiées, et une école touchée par les flammes. «On a perdu deux classes», déplore-t-il. Pour l'élu, la gestion «catastrophique» du dossier Clichy et les déclarations du ministre de l'Intérieur n'ont fait «qu'envenimer les choses». «On a l'impression d'être pris en otages par le discours sécuritaire de certains et, qui plus est, pour des ambitions présidentielles...»
Outre Sevran, les villes voisines de Montfermeil, Tremblay-en-France et Aulnay-sous-Bois ont elles aussi été le théâtre d'affrontements de groupes de jeunes avec la police, dans la nuit de lundi à mardi. Pour l'essentiel, des «actions de harcèlement» et des «caillassages» selon la préfecture. Dix-neuf personnes ont été interpellées à Clichy et Sevran. Soupçonnées de «destruction de biens», «détention de substances incendiaires» ou «violences volontaires», treize ont été placées en garde à vue.
Imams modérateurs. Dans le quartier Anatole-France de Clichy, les CRS ont pris le contrôle, dans la nuit, de l'avenue frontalière avec Montfermeil. A l'initiative de la mosquée, des conciliateurs sont apparus pour ramener le calme. «Les imams ont dit d'arrêter», explique Hassini, posté avec deux amis au coin d'une avenue. «Il y a des barbus aussi, ajoute-t-il, désignant deux hommes en djellaba un peu plus loin. Ils sont là pour ça. On est là pour ça. Pour la paix quoi. Les barbus sont respectés. Heureusement qu'ils sont là : ils représentent le droit chemin.» Selon Ahmed, la «faute» d'avoir tiré sur la mosquée a été «pardonnée» aux policiers. Les trois conciliateurs jurent qu'ils n'ont «jamais vu» d'affrontements comme ceux qui ont eu lieu dimanche soir. «Les flics tiraient partout, sur tout le monde.» «Maintenant, regardez, il n'y a plus de flics : et c'est tranquille», remarque l'un d'eux. Aussitôt contredit par le passage de plusieurs voitures chargées de jeunes très excités.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335438

Evénement
Clichy-sous-bois L'autre colère de la banlieue Ils travaillent dans les cités, y vivent parfois. Cinq regards de l'intérieur.
Par Jacky DURAND et Nicole PENICAUT mercredi 02 novembre 2005

Comment résoudre la crise profonde des banlieues, illustrée par les événements de Clichy-sous-Bois ? Libération a posé la question à ceux dont le métier, ou l'engagement, côtoie au quotidien la banlieue.
André Decroix formateur social
«La prévention n'existe plus en France depuis quinze ans»
André Decroix, président de l'association Europe-Afrique, habite la cité des Hauts-Bâtons, à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). «On a un ministre de la répression, Nicolas Sarkozy, à qui on reproche de tout faire. Mais si le ministre de l'Intérieur joue aujourd'hui tous les rôles, c'est que les autres ne font rien. Depuis les événements de Clichy, que disent les ministres de la Cohésion sociale, du Logement, de l'Education ? Rien. Tous sont étrangement absents alors que Sarkozy s'y connaît autant en prévention que Benoît XVI en préservatif. Qu'on ne me raconte pas que l'on fait de la répression car la prévention a échoué. La prévention n'existe plus en France depuis quinze ans. Quand Aide à toute détresse (ATD) a été créé en banlieue, il y a cinquante ans, son fondateur a dit qu'"il faudrait créer un projet politique prenant en compte la condition des plus pauvres pour revoir les orientations générales du pays". C'est la même chose aujourd'hui. L'insertion doit faire partie des fondamentaux comme lire, écrire, compter. Chacun doit pouvoir accéder à un boulot, un logement. Sinon, après Clichy-sous-Bois, ça repartira ailleurs.»
Jean-Pierre Reynaud
policier
«Il faut cibler les caïds et donner de l'espoir aux autres»
Jean-Pierre Reynaud est secrétaire général du Syndicat national des officiers de police (Snop ­ majoritaire). «Ça fait deux ans qu'on tire le signal d'alarme sur la banlieue en disant que la politique d'affichage du gouvernement sur les chiffres de la délinquance masque la situation sur le terrain. Ce qui arrive aujourd'hui est le révélateur d'une logique poussée à bout, celle du rapport de force imposé depuis trois ans par Nicolas Sarkozy, après le supposé laxisme des gouvernements précédents. Mais cette logique est loin d'être la solution. Nous ne cessons de demander à Nicolas Sarkozy un texte fondateur sur la prévention. Car il faut une politique de prévention en faveur de cette génération perdue qui s'en prend non seulement à la police, mais aussi aux pompiers, au Samu, aux postiers. Il faut donner les moyens pour neutraliser les meneurs, pour que le rapport de force soit en faveur des policiers sur le terrain.
«Mais il faut aussi une politique de prévention d'urgence qui donne aux jeunes les moyens de s'insérer. Il faut cibler les caïds, et donner aux autres de quoi espérer. Si on reste dans une logique exclusive de rapport de force, on va se retrouver dans des configurations de guérilla urbaine larvée sans fin. La police doit être intégrée à la population. En ce sens, le concept de police de proximité était une excellente initiative. Mais c'est devenu un gros mot.»
Un enseignant
«Ayons le courage d'admettre que l'école ne marche pas en banlieue»
Ce prof de math, dans un collège de Seine-Saint-Denis, a souhaité conserver l'anonymat. «Tout le monde se fout de ce qui se passe ici. Les jeunes se positionnent, à tort et à raison, en victimes de la société. On leur répète que la France est un pays formidable ­ ce qui n'est pas forcément faux ­ mais eux ont le sentiment qu'on ne les entend pas quand ils affirment être relégués au bas de l'échelle sociale. L'Education nationale nie la coupure entre les cités et le reste de la société. Il faudrait pourtant avoir le courage de reconnaître que l'école ne marche pas en banlieue, que l'idée du collège unique est une illusion. Il faut reconnaître notre échec, sans tomber dans l'angélisme qui consisterait à dire "ce n'est pas de leur faute si les jeunes des cités font des conneries". Ils ne comprennent pas le sens des actions des institutions : un jour, ils sont sanctionnés, un autre pas. Il faut former les profs à enseigner en banlieue. Personne n'y est préparé. Quand on débute, c'est un jeu de massacre.»
Sonia Imloul présidente d'association
«Avant, les policiers allaient voir les gamins qui séchaient l'école»
Sonia Imloul préside l'association Respect 93, qui s'occupe de la prévention de la délinquance des mineurs. «Il n'y a pas de vraie politique à l'égard de ceux qui habitent la banlieue. Est-ce par manque de volonté des politiques, ou faute de savoir par où commencer ? Je crois qu'il y a une vraie méconnaissance des cités. Aujourd'hui, il faut que les institutions aillent à l'intérieur des familles pour les accompagner concrètement. Il faut, comme au Canada, des contrats d'accompagnement ciblés entre services de l'Etat et famille en difficulté. Ça veut dire aussi une prévention précoce des problèmes : quand, dans une cité, une mère en pleine difficulté financière est en train de mettre à la porte sa fille mineure, il faut pouvoir la prendre en charge psychologiquement tout de suite et mettre en place, avec les Allocations familiales, un programme de rétablissement budgétaire. Ensuite, il faut que la mère s'engage à faire des choses pour sa fille : achats de fournitures scolaires, rendez-vous avec le principal du collège par exemple.
«Il faut aussi que la police réinvestisse la banlieue, mais pas de manière ultrasécuritaire. On voit débarquer les policiers avec les flash-balls, mais jamais ils viennent nous dire : "Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant, ensemble ?" Il y a quinze ans, quand j'étais adolescente à la Courtille (Seine-Saint-Denis, ndlr), les policiers venaient voir les gamins dans la rue quand ils séchaient l'école. Le tout-sécuritaire ne sert à rien, les gens s'en moquent. Aujourd'hui, ceux qui rétablissent l'ordre, ce sont les "barbus" car ils font de la médiation.»
Sébastien Peyrat sociologue
«Pour eux, l'extérieur de la cité est source d'injustices»
Sébastien Peyrat, docteur en sciences de l'éducation. Travaille depuis neuf ans sur la question des cités et de la justice en Seine-Saint-Denis. «Le facteur déclencheur a été le décès de deux jeunes, mais cela aurait pu être n'importe quoi d'autre, mettant en prise les jeunes et l'institution, en particulier la police. Celle-ci est, aux yeux des jeunes, une bande rivale qui ose entrer dans leur territoire exclusif, la cité. Aujourd'hui, ils ne se pensent que par rapport à cet univers de la cité. Il n'y a de sens que dans et pour la cité. Ses règles sont sources de justice alors que l'extérieur est source d'injustices. Les institutions de l'Etat connaissent mal les cités sensibles : on sait qu'il y a des déviances, mais on ne sait rien sur leur fonctionnement. Ce sont des communautés particulières qui, pour être réintégrées dans notre société, doivent d'abord être analysées. Il faut aussi un vrai travail de formation des intervenants institutionnels, aussi bien éducateurs que policiers. Si on refuse de comprendre le fonctionnement du monde de la cité, on ne pourra communiquer avec lui.
Ces faits de violence démontrent l'énorme distance entre les jeunes des cités et notre société. Cette distance doit se réduire par la parole et son pendant, la raison. Toute autre solution, en particulier l'usage de la force, ne peut mener qu'à plus de violences. Ce cycle ne se terminera pas avant qu'on dise aux jeunes qu'on les comprend et qu'il leur reste à comprendre que le monde dépend aussi d'eux. C'est à cela que, non seulement les jeunes des cités mais aussi d'autres citoyens ne croient plus. Si le monde ne dépend pas de chacun de nous, il n'est plus facteur de justice. Dès lors, pourquoi en respecter les règles ? Ces jeunes sont des produits de notre société : il est inenvisageable de s'attaquer aux problèmes des cités sans s'attaquer aussi aux difficultés que rencontre notre société.»
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335437

Société
REPORTAGE • «C'est la présence des flics qui nous énerve»
Par Gilles WALLONmardi 01 novembre 2005 (Liberation.fr - 13:18)

Lundi vers minuit, à Clichy-sous-Bois, autour de la mosquée Bilal. Là où, la veille, une grenade a relancé les hostilités, il ya ce soir une quarantaine de CRS. Ils coupent l'avenue liant Clichy à Montfermeil. Quelques jeunes sont là, quatre ou cinq. Ils grondent, toisent les CRS, leur lancent des regards noirs, mais ne font rien. Plus tôt, un cocktail Molotov a pourtant été jeté sur les policiers.Pour l'instant, la rumeur court. « Parmi les CRS, là en face de nous, il y a une petite blonde. C'est elle qui a lancé la grenade sur la mosquée », assure Aziz, la trentaine, un bonnet enfoncé sur les oreilles. Les autres ne l'écoutent pas. « C'est la présence des flics qui nous énerve, c'est de la provocation.», enrage Stéphane sous sa capuche noire. «Ça ne fait que stigmatiser encore plus le quartier. Comme toujours, on ne parle de nous que quand ça va mal.» Plus tôt dans la journée, trois jeunes ont été condamnés à deux mois de prison ferme, pour avoir lancé des pierres et des bouteilles sur les policiers. «Ici, on pense tous qu'ils ont été pris pour faire un exemple, poursuit Stéphane. On continue de nous enfermer, sans preuves. »
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335253

Société
Echaufourrées nocturnes à Clichy-sous-Bois La tension a baissé d'un cran dans la ville de Seine Saint Denis, mais plusieurs dizaines de jeunes ont incendié des véhicules durant la nuit. La police a procédé à douze interpellations.
mardi 01 novembre 2005 (Liberation.fr - 12:16)

La soirée de lundi à mardi à Clichy-sous-Bois a été moins chaude que les précédentes, mais on est encore loin d'un retour au calme. Pas d'émeutes à proprement parler, mais une série de caillassages et d'échauffourées sans véritable affrontement entre jeunes et forces de l'ordre. Douze personnes ont été arrêtées peu avant minuit, pour destruction de biens, détention de substances incendiaires ou violences volontaires, selon la préfecture de Seine-Saint-Denis. Quelques 400 policiers ont quadrillé la ville une partie de la nuit.Vers 21 heures, un cocktail Molotov a été lancé en direction du PC des forces de police de Clichy. Dans le quartiers des Bosquets, près de la mosquée Bilal (où une grenade lacrymogène fut lancée la veille, semble-t-il par les forces de l'ordre), une centaine de personnes faisaient face à une cinquantaine de CRS. Entre les deux, une vingtaine de «grands frères» tentant de jouer les médiateurs avec des affichettes réclamant «respect et justice pour nos enfants et notre culte». La présence d'hommes en djellaba freine les velléités d'affrontement. Vers 23h30, la police disperse la foule à l'aide de quelques tirs de grenades lacrymogènes, sans plus. Dans le reste de la ville, onze voitures et trois conteneurs ont été incendiées par des petits groupes isolées.Les émeutes de Clichy ont par ailleurs «fait des émules» dans des villes voisines, selon la police citée par l'AFP. Des véhicules ont brûlé à Sevran, Bondy et Neuilly-sur-Marne. A Montfermeil, le garage de la police municipale a été incendié peu après minuit. A Aulnay-sous-Bois, toujours dans le département de Seine-Saint-Denis, les forces de l'ordre ont subi des caillassages.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335246
A Clichy-sous-Bois, un des onze véhicules incendiés dans la nuit de lundi à mardi. En dépit de quelques incidents, la Seine-Seine-Saint-Denis a retrouvé un calme relatif.
Evénement
Clichy-sous-bois Editorial Irresponsabilité
Par Antoine de GAUDEMAR mardi 01 novembre 2005

Un syndicat de policiers demandait hier aux partis politiques de ne pas jeter de l'huile sur le feu après les incidents de Clichy-sous-Bois. Mais qui joue avec le feu depuis des années ? Qui a laissé dépérir la police de proximité, et toute réelle politique de prévention ? N'est-ce pas en premier lieu le ministre de l'Intérieur avec ses déclarations à l'emporte-pièce contre les «voyous» et la «racaille», et les quartiers qu'il faudrait nettoyer «au Kärcher» ? On ne s'étonnera pas que ces propos provocateurs aient créé un climat de tension très palpable dans nombre de quartiers dits sensibles. Les forces de l'ordre s'y sentent non seulement encouragées dans leurs opérations répressives, mais quasi couvertes en cas de bavure, jusqu'à envoyer sans état d'âme des grenades lacrymogènes à l'intérieur d'une mosquée, où sont rassemblés des centaines de fidèles. Quant aux habitants de ces quartiers, à commencer par ceux de Seine-Saint-Denis, ils se sentent constamment soupçonnés, et comme tels soumis à des contrôles incessants. Que le ministre de l'Intérieur affirme non sans courage sa détermination à lutter contre l'insécurité, rien de plus normal, il est payé pour ça. Mais qu'il en profite pour stigmatiser des populations entières et se livrer à des fanfaronnades aussi bravaches qu'inutiles, cela devient inadmissible. Son goût de l'affrontement lui fait perdre son sang-froid, comme s'il voulait se placer sur le même terrain que ceux qu'il défie, et transformer son bras de fer sécuritaire en bras d'honneur permanent. Cette irresponsabilité inquiète d'autant plus que, devant tant de démagogie et si peu d'humanité, bien peu de voix dans son camp s'élèvent, sauf un ministre, Azouz Begag, qui semble comprendre le rôle de «beur de service» qui lui est réservé : de l'affichage.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335202

Evénement
Clichy-sous-Bois. Editorial Ghettos
Par Gérard DUPUYlundi 31 octobre 2005

Parler sans savoir, ça fait partie du mécanisme même de la rumeur mais c'est en principe exclu de l'exercice gouvernemental. Malheureusement, si la machine à rumeurs a fonctionné pour enflammer les esprits des jeunes habitants de Clichy-sous-Bois, Sarkozy, mais aussi Villepin se sont empressés de répercuter des accusations infondées. A l'origine de l'accident qui a coûté la vie à deux jeunes, il y avait un cambriolage (en réunion, pour faire bonne mesure). Or cette version ministérielle a été vite démentie. Les Clichois qui faisaient le coup de main contre les policiers y verront la confirmation de cela même qui les enrage : qu'ils sont jugés à l'avance et à l'avance réprouvés. Clichy avait besoin d'apaisement, on a préféré remettre un petit coup de jus.
L'animosité à l'égard des policiers est souvent confortée par la conception trop musculaire que certains d'entre eux se font de leur métier. Mais les incidents de Clichy ont montré une nouvelle fois que l'agressivité des jeunes s'étendait aussi aux pompiers, voire aux postiers. Chaque fonction appartenant à l'Etat, si manifestement utile soit-elle, devient prétexte à vider une querelle par l'intermédiaire d'un de ses représentants, si humble soit-il. C'est une réaction typique des ghettos ethniques et qui oblige à poser la question : combien de pompiers blacks, de postiers beurs ? Sarkozy soutient ­ avec courage, vu son entourage politique ­ des propositions de discrimination positive en faveur des milieux sociaux handicapés (et handicapants). En l'état, cela semble ne servir que de décoration à un trop-plein de discriminations négatives. La mesure, non le laxisme, en matière d'ordre est un préalable sans lequel rien de positif ne se fera. Sarkozy en est loin.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=334986
Société
Nouvelle nuit de violence à Clichy-sous-bois Plus de 400 jeunes se sont affrontés aux forces de l'ordre pour une deuxième nuit consécutive après le décès de deux adolescents jeudi.
Par AFP samedi 29 octobre 2005 (Liberation.fr - 09:15)

De nouvelles violences urbaines consécutives au décès de deux adolescents jeudi ont éclaté à Clichy-sous-Bois vendredi soir, une balle réelle ayant notamment été tirée sur un véhicule de CRS.
"Un fourgon (où se trouvaient des CRS) a fait l'objet d'un tir", a indiqué au cours d'un point de presse le directeur départemental de la sécurité publique Jacques Méric. Plus de 400 fauteurs de trouble au total ont eu maille à partir avec les forces de l'ordre, a-t-il précisé.
Deux-cent cinquante à trois cents policiers et gendarmes ont été déployés sur les lieux. Sept policiers ont été légèrement blessés, et neuf personnes ont été placées en garde à vue. Vingt-neuf véhicules et dix poubelles ont été incendiés, apparemment avec l'aide d'hydrocarbures selon les pompiers de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris, qui ont déclenché le plan "trouble urbain" vers 21h15. Les pompiers sont intervenus une quarantaine de fois.
Le préfet Jean-François Cordet s'est rendu sur place.
Les troubles se sont principalement déroulés dans le quartier du Chêne-Pointu, qui avait déjà été jeudi soir le théâtre de violents affrontements entre jeunes et forces de l'ordre. La ville s'était embrasée à la suite du décès de deux adolescents de 17 et 15 ans, Ziad et Banou, morts électrocutés après s'être introduits dans l'enceinte d'un transformateur EDF. La rumeur s'était répandue que les deux jeunes s'étaient réfugiés dans cet endroit à la suite d'une course-poursuite avec la police, ce qui a été démenti par la préfecture.
Les troubles de vendredi ont commencé peu après 21 heures. Selon Joaquin Masanet du syndicat de policiers UNSA, environ 80 jeunes du Chêne-Pointu s'en sont pris à des CRS "en mission de sécurisation" et ont commencé à jeter des projectiles et des cocktails molotov sur les forces de police, avant de tirer un coup de feu contre un véhicule où se trouvaient des CRS. "Nous avons essayé de négocier avec certains jeunes mais ils avaient la volonté d'en découdre", a expliqué le premier maire adjoint Olivier Klein, présent au plus fort des affrontements.
Peu après minuit le calme était revenu. Epaves calcinées et poubelles en feu continuaient d'enfumer la cité, sous l'oeil attentif des habitants. "J'ai failli me prendre une balle en caoutchouc. C'était une vraie scène de guérilla. J'ai vu un petit qui avait reçu une balle, il avait l'air de beaucoup souffrir", a témoigné Rachid, 26 ans.
Une marche en hommage aux deux victimes se déroulera samedi à partir de 9H30. Le départ est prévu devant la mairie de Clichy-sous-Bois.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=334757

Société
Violences à Clichy-sous-Bois après la mort de deux jeunesZiad et Banou se sont électrocutés après avoir fui jeudi une interpellation policière.
Par Fabrice TASSEL samedi 29 octobre 2005

De nouvelles violences urbaines ont éclaté tard dans la soirée de vendredi à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) entre des jeunes des quartiers «sensibles» et les forces de l'ordre. Selon la préfecture, une balle réelle aurait même été tirée sur un véhicule de CRS. On dénombrait, vers 22 h 30, dix-sept feux de véhicule ou de poubelle. La nuit précédente, des affrontements avaient opposé 200 jeunes à autant de policiers dans le quartier de Chêne-Pointu. Bilan : 23 véhicules et un centre commercial incendiés, les vitres d'un bureau de poste brisées... Les jeunes du quartier venaient d'apprendre la mort, jeudi en fin de journée, de Ziad, 17 ans et Banou, 15 ans, électrocutés dans un transformateur EDF. Pourquoi ces deux adolescents et un de leurs copains de 21 ans se sont-ils introduits dans un lieu aussi dangereux ? Leur ami, grièvement blessé, a indiqué aux enquêteurs qu'il ne se souvenait plus de rien.
Portable. Vendredi, Jacques Méric, le directeur départemental de la sécurité publique, a indiqué qu'une enquête était en cours. Les corps des deux adolescents ont été retrouvés peu avant 19 heures par les pompiers, alertés par un coup de téléphone portable qui n'a pas encore été identifié. Peu avant, vers 17 h 20, deux policiers repèrent trois jeunes qu'ils soupçonnent de cambrioler un cabanon de chantier à Livry-Gargan, ville limitrophe de Clichy-sous-Bois, à 800 mètres à pied du transformateur. Les jeunes disparaissent dans une rue proche du chantier. Ils sont rejoints par un autre groupe. Au total, ils sont, selon un enquêteur, «entre six et neuf».
Alors que les policiers procèdent à l'interpellation, une partie de la bande s'échappe. Les policiers coursent les fuyards, puis abandonnent et emmènent six mineurs au commissariat. Au moment où un fonctionnaire entame la rédaction de son rapport, une panne d'électricité paralyse le bâtiment. Personne ne le sait encore, mais Ziad et Banou viennent de mourir. Il est 18 h 15. A 18 h 30, un technicien EDF se rend au transformateur protégé par un mur, mais dépourvu de toit.
«Aucun lien». La préfecture a affirmé vendredi que la police «n'était pas sur les lieux au moment de l'accident», donc «qu'aucun lien [n'existait] entre les deux incidents». Nicolas Sarkozy a, lui, indiqué que «la police conteste formellement que les jeunes étaient physiquement poursuivis». Dominique de Villepin a expliqué qu'il s'agissait, selon les indications qui lui avaient été données, de «cambrioleurs qui étaient à l'oeuvre», avant de parler d'un «terrible drame humain». Seul l'ami de Ziad et Banou pourra peut-être expliquer pourquoi ils étaient allés se réfugier dans ce lieu.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=334689

Société
Nuit d'émeute à Clichy-sous-Bois Après la mort jeudi soir de deux jeunes qui s'étaient réfugiés dans un transformateur EDF, deux cents personnes se sont heurtées à la police jusqu'à deux heures du matin • Une zone d'ombre : pourquoi les deux ados se sont-ils réfugiés dans un endroit aussi dangereux ?
Par Jacky DURAND et Fabrice TASSEL vendredi 28 octobre 2005 (Liberation.fr - 19:30)

Deux morts, une nuit d'émeute, un quartier vandalisé, et quelques questions en suspens: tel est vendredi matin le bilan des incidents de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Les deux morts sont des jeunes de la cité du Chêne-Pointu, décédés alors qu'ils s'étaient réfugiés, peu avant 19h, dans un transformateur EDF situé au fond d'une impasse. Ziad avait 17 ans et Banou 15 ans.
Les raisons pour lesquelles ils se sont abrité dans un lieu aussi dangereux font partie des principales zones d'ombre. Il semble que les deux jeunes – ainsi qu'un troisième, âgé de 21 ans, grièvement blessé – tentaient d'échapper à la poursuite de la police, qui les a découverts en train de tenter de cambrioler un cabanon. Selon plusieurs sources, les policiers n'ont que très brièvement poursuivis les jeunes s'échappant du chantier. Vendredi soir, donc, seul le copain de Ziad et Banou était en mesure d'expliquer clairement pourquoi ils avaient pénétré dans un lieu si dangereux, une sorte de cube de béton enceint d'un mur et d'un grillage mais dépourvu de toit, et donc accessible. Ce jeune était toutefois encore sous le choc et incapable de répondre aux questions des enquêteurs. Face à la colère et à la rumeur selon laquelle la police avait en quelque sorte obligé les jeunes à se réfugier dans ce transformateur EDF, Nicolas Sarkozy a affirmé dès vendredi matin que «la police conteste formellement que les jeunes étaient poursuivis». Il a précisé que lorsque les policiers sont arrivés sur le lieu de la tentative de cambriolage, «trois jeunes sont partis en courant». Le ministre a aussi qualifié les incidents de «dramatiques» et a déploré «une nuit d'émeute, je dirais une de plus».
En fin de matinée, à l'occasion d'une conférence de presse, Jean-Michel Bonte, secrétaire général de la préfecture de Seine-Saint-Denis a lui aussi affirmé «qu'il n'y a pas eu de course poursuite et les policiers n'étaient pas aux trousses des jeunes avant qu'ils n'arrivent au transformateur. Il n'y a également aucun lien établi entre un contrôle policier survenu plus tôt à propos d'un vol de chantier et la mort des deux jeunes». Dans la nuit, un communiqué des pompiers indiquait qu'ils avaient été appelé pour porter secours à trois personnes électrocutées dans un transformateur «après avoir tenté d'échapper à la police».
Une fois connue, la nouvelle de ce double décès a jeté dans la rue plusieurs dizaines de jeunes, environ 200 selon la place Beauvau. «On vu les jeunes se masser progresssivement et venir au contact», indique un secouriste. Ils s'en sont d'abord pris aux pompiers venus tenter de secourir les trois jeunes réfugiés dans le transformateur. Après avoir médicalisé le blessé sur place, les pompiers sont obligés de le transporter au centre de secours de Clichy-sous-Bois pour échapper aux caillassage. Vers 23h, ils déclenchent le plan de secours «troubles urbains» tandis que des «bandes incontrôlées de plusieurs dizaines de jeunes», selon les termes de l'état-major des sapeurs-pompiers de Paris, s'en prennent aux engins en intervention et au centre de secours de Clichy-sous-Bois et à d'autres bâtiments. Vingt-trois voitures brûlées, les vitres d'un centre commercial brisées, des abri-bus vandalisés, une école, la poste et la mairie de Clichy-sous-Bois font l'objet de caillassages. Face à ces jeunes, jusqu'à 300 policiers ont répliqué jusqu'à 2h du matin.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=334586

Evénement
Clichy-sous-bois Azouz Begag, ministre de la Promotion de l'égalité des chances:«On ne rétablira pas l'ordre avec plus de CRS»
Par Charlotte ROTMAN mardi 01 novembre 2005

Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, sociologue, et auteur du Gone du Chaâba, né dans un bidonville lyonnais, a été choqué par les propos du ministre de l'Intérieur sur la banlieue.
Comment réagissez-vous aux termes de «voyous et racaille» employés par Nicolas Sarkozy à Argenteuil la semaine dernière ?
Je conteste cette méthode de se laisser déborder par une sémantique guerrière, imprécise. Quand on évoque des situations délicates, il faut le faire dans le sens de l'apaisement. Il s'agit de «quartiers sensibles» (1), difficiles, où l'on sent aussi une certaine susceptibilité. Certains sont morts à cause d'insultes. Hier, j'ai entendu qu'il parlait de «vrais jeunes qu'il faut aider». Qu'est-ce que ça veut dire ? Il y a des vrais et des faux jeunes ? De tels propos ne peuvent pas aider à retrouver du calme dans des territoires en surchauffe.
De plus, je regrette de ne pas être associé, quand il y a un dialogue difficile avec des jeunes. A chaque fois que mon collègue (Sarkozy, ndlr) intervient en banlieue même quand il s'agit d'égalité des chances, je ne suis jamais contacté. J'en suis surpris alors que je suis l'un des rares au gouvernement à être légitimé par vingt-cinq ans d'expérience et de travail sur ces quartiers. Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieues, il y a un décalage. Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS.
Sarkozy voulait déjà «nettoyer au Kärcher» une cité à La Courneuve...
Il faut cesser d'aller avec caméras et journalistes dans ces zones de pauvreté et de susceptibilité. A chaque fois, c'est une provocation. C'est le contraire qu'il faut faire. Il faut prendre le temps de l'écoute, rencontrer ces gens dans la quotidienneté, et l'intimité. Mon avenir à moi ne se situe pas en mai 2007, mais en 2057. Quand j'aurai 100 ans. Je n'ai pas un regard électoral sur ces questions.
Selon Laurent Fabius, Sarkozy «crée un climat terrible» dans les banlieues.
La gauche n'a rien à dire, quand on voit la manière dont elle nous (les enfants d'immigrés, ndlr) a éloignés de la représentation politique. Aujourd'hui profiter de la mort de ces deux jeunes pour se refaire une virginité politique sur la question des banlieues, c'est un scandale.
Qu'attendez-vous du gouvernement ?
Il faut pouvoir dire en tant que ministre : «Je sais que votre gueule, votre nom, votre peau vous rendent la tâche plus difficile. Il faut mettre le paquet pour vous.» Je travaillerai sans relâche pour que les épouvantails de l'immigré, du terroriste, du clandestin, du faux jeune de banlieue, sortent du débat politique et pour qu'on y place la question de l'ascenseur social.
(1) Titre d'un livre d'Azouz Begag et Christian Delorme, Seuil, 1988.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335200
Evénement
Clichy-sous-boisVillepin et Sarkozy se battent aussi à ClichyBras de fer sans précédent, et par lieutenants interposés, entre les deux hommes suite à la gestion désastreuse des affrontements.
Par Eric AESCHIMANN mercredi 02 novembre 2005

Des soirées d'émeutes en Seine-Saint-Denis à la guerre ouverte au sommet de l'Etat. D'une tragédie pour des familles au choc de deux ambitions. Cinq jours après la mort de deux jeunes de Clichy, électrocutés dans un transformateur, et après cinq nuits d'émeutes et d'incidents, la question des banlieues est devenue l'objet d'un bras de fer sans précédent entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy.
Hier, les deux hommes se sont facticement réconciliés en recevant ensemble à Matignon les parents des victimes, avant d'annoncer leur volonté d'«apporter des solutions concrètes aux difficultés rencontrées à Clichy-sous-Bois». Mais au même moment, la bataille politique montait d'un cran, par lieutenants interposés.
Lundi, Sarkozy avait essuyé une rebuffade quand les familles de Bouna et Zyed, les deux jeunes décédés, ont décliné sa proposition de les recevoir. Pis : le frère de Bouna demandait à rencontrer le Premier ministre. Finalement, hier à 18 heures, les proches ont été reçus par Dominique de Villepin flanqué de son ministre d'Etat. L'entretien a duré deux heures et le Premier ministre a «témoigné sa profonde sympathie et son appui dans cette terrible épreuve», en assurant les familles «que toute la lumière serait faite sur les circonstances de cet accident». Dans le même communiqué, l'hôtel Matignon a annoncé la tenue d'une réunion, tard dans la soirée, place Beauvau «sous la présidence» de Sarkozy «afin d'ouvrir le dialogue dans un esprit de respect mutuel». Message implicite : désormais, dans ce dossier, c'est le Premier ministre qui décide et Sarkozy qui exécute.
Begag contre Sarko. Histoire de calmer le jeu, Villepin n'avait pas convié à Matignon Azouz Begag, son ministre chargé de la Promotion de l'égalité des chances. Il s'est contenté de le recevoir après, pendant trois quarts d'heure. Discret depuis sa nomination, l'écrivain et sociologue lyonnais s'est transformé depuis deux jours en Robocop anti-Sarkozy. Multipliant les interventions médiatiques, il dénonçait hier dans Libération «la sémantique guerrière» du ministre de l'Intérieur. Une semaine plus tôt, il avait qualifié de «faux débat» la question du droit de vote aux immigrés. Une stratégie de réponse systématique très calculée. Car avec Begag, le Premier ministre pense avoir trouvé un moyen de concurrencer, au moins dans la tonalité, l'omniprésence de Sarkozy sur le sujet, de l'inciter à la surenchère et donc à la faute. Une véritable politique du pire qui inquiète certains ténors chiraquiens. «Villepin va y laisser des plumes. Car même si Sarkozy manoeuvre de façon critiquable, il reste son ministre», assure l'un d'eux. En ayant l'air de se réjouir des incidents de Clichy-sous-Bois, le Premier ministre joue avec le feu au moins autant que les incendiaires de voitures.
La réponse de Sarkozy ne s'est pas fait attendre, sous la forme d'une succession cousue de fil blanc de déclarations à l'AFP. Sept de ses fidèles, pas moins, se sont exprimés. Des députés UMP ont affirmé que les problèmes d'intégration relevaient du ministère des Affaires sociales (Yves Jégo), demandé la démission de Begag (Alain Marleix), dénoncé le «silence assourdissant» de Villepin (Pierre Cardo). Et Christian Estrosi, ministre à l'Aménagement du territoire, a rappelé le devoir de solidarité gouvernementale.
Chirac surveille. Sarkozy, lui, s'est contenté d'accueillir à son ministère des jeunes d'Argenteuil, où son déplacement mouvementé la semaine dernière lui avait déjà permis de monopoliser l'intérêt des médias. Et ce matin, dans le Parisien, il défend sa politique «ferme mais juste» vis-à-vis des banlieues. Ce qui n'empêche pas son entourage de dénoncer, sans rire, «le plan média» d'Azouz Begag.
«Notre électorat est furieux de ces bagarres. C'est trop tôt pour ouvrir la compétition de 2007», se lamente un dirigeant UMP. Le chef de l'Etat, dont l'équation politique repose sur le double thème de la sécurité et de l'intégration, suit de très près le dossier. Hier, son cabinet était en contact avec l'équipe de Sarkozy. En liaison permanente avec Villepin, Jacques Chirac n'est pas étranger au rabibochage de façade d'hier soir. Et pourrait bien décider de siffler la fin de la récré. Par exemple dès ce matin, au Conseil des ministres.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=335435