04 novembre 2005

Revue de presse (Le Monde)

L'orientation répressive de la police est remise en question

LE MONDE | 04.11.05 | 13h27 • Mis à jour le 04.11.05 | 13h28

Les émeutes urbaines ont fait ressurgir une question, en sommeil depuis trois ans : que doit faire la police ? L'équilibre entre prévention et répression, deux missions toutes légitimes, est à nouveau en cause.

"Il s'agit plus d'une vraie crise des rapports entre la police et la population que de l'expression du malaise des banlieues, affirme Michel Marcus, délégué général du Forum français pour la sécurité urbaine (FFSU), qui regroupe nombre d'élus. La police est le seul service public inadapté à ces quartiers sensibles. Il y a un problème de méthodes d'intervention, de déplacements ­ uniquement en voitures ­, de contrôles d'identité abusifs..."

Ces derniers jours, les médiateurs de Clichy-sous-Bois et des élus de la Seine-Saint-Denis, ainsi que l'opposition socialiste, ont réclamé la réanimation de la police de proximité. Même les syndicats policiers se sont joints à eux. "On n'a jamais dit qu'on était contre le principe, simplement qu'elle avait été mal faite, trop idéologique et sans moyens , assure Jean-Claude Delage, secrétaire général adjoint du syndicat policier Alliance. Nous voulons que soit mise en place une vraie police de quartier, qui ferait à la fois de la prévention, de la dissuasion et de la répression."

Depuis mai 2002, la police de proximité n'a pas été supprimée, mais vidée de son sang. Symboliquement, l'opération a eu lieu le 3 février 2003. En déplacement à Toulouse, Nicolas Sarkozy avait fustigé les piètres statistiques de la délinquance. Le ministre de l'intérieur avait décidé, dans la foulée, de renvoyer le directeur départemental de la sécurité publique, Jean-Pierre Havrin. Ancien conseiller technique de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'intérieur, celui-ci avait été nommé à Toulouse après les émeutes du Mirail, fin 1998.

Toulouse avait alors été choisie comme ville pilote pour incarner le passage d'une "police d'ordre au service de l'Etat à une police au service des citoyens" , selon la formule de M. Havrin. L'appréhension plus fine des particularités locales, la présence accrue sur le terrain devaient constituer une véritable révolution professionnelle. " Les débuts de la police de proximité ont été très difficiles, se souvient un commissaire de la Seine-Saint-Denis. La cité est un territoire où toute arrivée d'intervenants extérieurs est perçue comme une intrusion. Puis les relations se sont pacifiées."

RETOUR AU PLAN DE PRÉVENTION

Mais la révolution n'a pas survécu à la hausse des statistiques puis à l'aveu de "naïveté" fait par Lionel Jospin au sujet de la délinquance, au cours de la campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2002. " La police de proximité s'est construite au détriment de la police d'investigation et d'interpellation. Il faut rétablir l'équilibre" , avait affirmé Nicolas Sarkozy à Toulouse, avant de réaffecter une partie de ses effectifs aux brigades anticriminalité. Le ministre comptait proposer dans les trois mois suivants un plan de prévention de la délinquance ; ce même plan vient à nouveau d'être annoncé par Dominique de Villepin à l'Assemblée nationale, mercredi 2 novembre. Deux ans et demi plus tard...

Aujourd'hui, la perspective d'une nouvelle loi laisse sceptiques de nombreux maires. Michel Marcus met en cause le manque de décentralisation et de consultation. " Après la mort des deux adolescents, raconte le délégué général du FFSU, le maire de Clichy a demandé deux fois à la préfecture de la Saint-Denis d'alléger les effectifs. En vain."

Une demande d'équilibre émerge chez les policiers comme chez les élus, qui voudraient concilier la philosophie de la proximité et l'impératif de l'investigation. "La police de proximité sans la police judiciaire, c'est de l'angélisme, résume Jean-Marie Salanova, secrétaire général du Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN). Il y a eu, à une époque, un phénomène de vases communicants entre les services, mais le maillage des commissariats de quartier, même allégé, existe toujours. Utilisons-le."

Reste le problème des effectifs. Les départs massifs à la retraite et la jeunesse des policiers dans ces quartiers sensibles expliquent les manques criants d'encadrement sur le terrain. "Ce qui manque aujourd'hui pour faire marcher la police de proximité, c'est notamment la ressource des adjoints de sécurité" , ajoute un haut responsable de la police de la Seine-Saint-Denis. Le département comptait 468 adjoints de sécurité en 2000 ; ils ne sont plus que 205. Au niveau national, leurs effectifs ont été stabilisés aux environs de 11 300.

En sécurité publique, les dotations en gardiens de la paix posent aussi problème. En répartition territoriale plutôt qu'en nombre. Le maire (UMP) de Montfermeil, Xavier Lemoine, se souvient avec nostalgie de l'époque pas si lointaine où le poste de Clichy-Montfermeil comptait 35 fonctionnaires, contre 15 actuellement. "Lorsque la police de proximité a été créée, la brigade anticriminalité pouvait intervenir à toute heure du jour et de la nuit, ce qui n'est plus le cas, assure-t-il. Cette police est nécessaire si on veut couper les délinquants de leur environnement immédiat et retrouver l'estime et la confian ce des habitants."

Les CRS pourraient constituer un vivier d'appoint de premier ordre. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs décidé d'" installer dans les quartiers les plus difficiles 17 compagnies de CRS et 7 escadrons de gendarmerie, qui interviendront en petits groupes, spécialisés" (Le Monde du 25 octobre). Mais il n'a pas voulu franchir le pas et rattacher les 15 000 CRS à la sécurité publique. La probabilité d'une fronde au sein de ce corps très syndiqué était trop élevée. "On ne vit pas dans un monde idéal, où l'on fait ce qu'on veut" , conclut le ministre.

Piotr Smolar, Article paru dans l'édition du 05.11.05


"Plus c'est difficile, plus les CRS sont sereins"

LE MONDE | 04.11.05 | 13h27

Est-ce que vous avez reçu les fiches ?" La question du directeur central des CRS, Christian Lambert, s'adresse à l'un des officiers de la CRS 41, installée depuis mercredi 2 novembre à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), près de la cité de Bois-l'Abbé. Ils n'ont pas reçu les fiches. "Il faut que vous les ayez dès demain", insiste M. Lambert, venu inspecter la mise en place des nouvelles missions des CRS dans les quartiers sensibles. Depuis mercredi, 17 compagnies ont été affectées dans 17 départements confrontés à des violences urbaines avec pour tâche de les "sécuriser" pendant des périodes de quatre à six semaines.

Les fiches qu'attendent les CRS 41 ont été conçues comme un instrument d'assistance à leurs interventions. Elles comportent des plans détaillés des lieux, des éléments chiffrés sur les habitants et des photographies de ceux que la police locale et les renseignements généraux désignent comme d'éventuels fauteurs de troubles. "Plus on a d'infos, mieux on se porte", assure le lieutenant Bertrand Baud.

Des patrouilles composées de quatre CRS sillonnent le quartier, comme ceux des villes voisines de la Seine-Saint-Denis. Equipe légère. Pour se montrer aux habitants. Pour faciliter les interventions en cas d'incidents. "Dans notre formation traditionnelle de maintien de l'ordre, il est presque impossible d'interpeller des groupes très mobiles", explique un autre CRS.

La nouvelle mission commence sous tension. Huit jours après la mort, le 27 octobre, de deux adolescents dans un transformateur électrique à Clichy-sous-Bois, incidents et affrontements sporadiques avec des groupes de jeunes gens, n'ont pas cessé. "Ici, à Champigny, reprend le lieutenant Baud, on a droit aux insultes, aux cris 'à mort les CRS'. On reçoit des oeufs, des piles électriques jetées par les fenêtres de la grande tour." A Argenteuil (Val-d'Oise), la disparition de plaques d'égout a suscité l'inquiétude. Elles pourraient servir de projectiles.

"Plus c'est difficile, plus les CRS sont sereins", proclame l'armurier de la CRS 23, en mission à Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Refus officiel d'avoir peur. Volonté affichée d'obéir aux consignes. "Les ordres sont : fermeté, diplomatie, vigilance, poursuit-il. En ce moment, l'affrontement est irrémédiable. Mais, on ne le cherche pas, il n'y a pas de provocation de notre part. Et on respecte la déontologie." Un jet de grenade lacrymogène de CRS dans la mosquée de Clichy-sous-Bois a suscité l'exaspération des fidèles. Une enquête est en cours pour déterminer l'origine du tir.

"Il faut réoccuper le terrain sans brusquer, explique M. Lambert aux CRS qui sillonnent Champigny. Il faut habituer les gens à nous voir. Il n'y a pas d'endroits interdits." "On va s'adapter, assure l'armurier de la CRS 23, qui officie depuis vingt-sept ans. Notre métier a évolué en même temps que la société. Aujourd'hui, il n'y a presque plus de lourdes opérations de maintien de l'ordre liées aux manifestations." Secrétaire général de l'UNSA-Police, principal syndicat chez les CRS, Joaquin Masanet avertit : "Il ne faut pas oublier de rapprocher la police de la population et rouvrir des bureaux de police dans les quartiers." Un travail qui ne relève pas des CRS.

Pascal Ceaux, Article paru dans l'édition du 05.11.05


Les émeutes restent intenses en Ile-de-France et s'étendent en province

LEMONDE.FR | 05.11.05 | 08h43 • Mis à jour le 05.11.05 | 09h35

Pour la neuvième nuit consécutive, la France a connu, vendredi 4 et samedi 5 novembre, de nouvelles violences urbaines. Aux premières heures de samedi, la police nationale faisait état d'un total de 754 véhicules incendiés, de 203 interpellations et de nombreux incendies de bâtiments.

Parmi les voitures incendiées, 563 l'ont été en Ile-de-France et 191 en province, où le phénomène, apparu la veille, a pris de l'ampleur.

Les forces de l'ordre ont réalisé beaucoup plus d'interpellations de fauteurs de troubles présumés que la veille (203 contre 78). Il s'agissait d'une priorité d'action fixée aux policiers.

Les autorités notent une baisse des affrontements directs entre émeutiers et forces de l'ordre, lesquelles avaient essuyé des tirs à balle réelle dans la nuit de mercredi à jeudi. "C'est plutôt un harcèlement de la police que de l'affrontement", a-t-on résumé de source policière.

Ces violences sont intervenues quelques heures après un nouvel appel au calme, lancé vendredi par des maires des communes du département de Seine-Saint-Denis et par le frère d'un des deux jeunes morts par électrocution le 27 octobre. Le marie UMP d'Aulnay-sous-Bois, Gérard Gaudron, en a pour sa part appelé à une marche silencieuse samedi dans sa ville.

Environ 1 400 policiers, gendarmes et CRS avaient été déployés en Seine-Saint-Denis. Dans les départements voisins, gagnés par la violence, les effectifs policiers ont été renforcés et les unités sont "plus mobiles et réactives" qu'auparavant, a-t-on souligné à la préfecture. Un hélicoptère muni d'un projecteur-caméra a été dépêché sur place.

SEINE-SAINT-DENIS. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, où les troubles ont commencé il y a une semaine après le décès accidentel de deux adolescents dans un transformateur EDF, divers incendies ont touché des bâtiments.Dans la commune d' Aubervilliers, deux entrepôts ont été incendiés. Au total, 700 sapeurs-pompiers ont été mobilisés dans le département où une quinzaine de communes ont été touchées par des incidents dans la nuit.

A La Courneuve, le feu a été mis à une crèche. A Montreuil, un magasin Leader Price a été incendié ainsi qu'un parking et un concessionnaire automobile. Trois blessés légers sont à déplorer dans cette ville.A Pantin, la police a interpellé sept mineurs qui transportaient dans leur sac à dos des "projectiles incendiaires" et des bouteilles d'essence.

A Pierrefitte-sur-Seine, un engin incendiaire a été lancé contre le mur de la synagogue, tandis qu'à Villetaneuse, un bureau de poste a été incendié. Toujours à Pierrefitte, plus d'une centaine de personnes ont été évacuées pendant la nuit après le déclenchement d'un incendie dans un parking souterrain sous leurs immeubles.

D'autres incidents ont été signalés dans le département, par exemple à Epinay-sur-Seine, où une cinquantaine de jeunes cagoulés ont saccagé une dizaine de voitures.

Un engin incendiaire a par ailleurs été lancé sur la façade du commissariat de Saint-Denis.

ESSONNE. Un policier a été blessé par deux pavés dans le quartier de Coquibus, proche de la cité sensible des Tarterêts de Corbeil-Essonnes, où une concession Opel et un dépôt de pneus ont été incendiés. La mairie de Saint-Michel-sur-Orge a été ravagée en partie par un incendie tandis qu'une école maternelle et primaire à Brétigny-sur-Orge a été détruite en partie.

VAL D'OISE. Une dizaine de voitures ont été incendiées entre Vauréal et Jouy-le-Moutier, aux environs de Goussainville et Garges-les-Gonesse, selon la préfecture du département. Cinq personnes ont été interpellées sur les lieux. Le feu a été mis à une boulangerie et à un bureau de ventes en préfabriqué.

YVELINES. Parmi les incidents recensés figurent l'incendie d'une école maternelle d'Achères.

HAUTS-DE-SEINE. A Suresnes, un incendie s'est propagé de véhicule en véhicule dans un parking souterrain, entraînant la destruction de 36 voitures.

A Clamart, selon une source policière, un enfant de dix ans a été interpellé avec une bouteille d'essence dans les mains tandis que dans le même département, à Boulogne, la police a arrêté un fauteur de trouble qui aurait aspergé quinze véhicules légers.

SEINE-ET-MARNE. A Meaux, un véhicule des sapeurs-pompiers a été détruit. Le bâtiment du collège Jean-Monet de Torcy a été à moitié détruit.

VAL-DE-MARNE. A Champigny, un bus a été vidé de ses occupants et incendié.

MIDI-PYRÉNÉES. Sept voitures ont été incendiées dans des quartiers de la périphérie de Toulouse, où la police a procédé à trois interpellations, a déclaré en milieu de nuit la préfecture de région. A minuit, précisait-elle, le calme était revenu dans les quartiers troublés.

BRETAGNE. Onze voitures ont été incendiées à Rennes et plusieurs feux de poubelles sont également à déplorer, a-t-on appris auprès des pompiers.

PAYS-DE-LA-LOIRE. A Nantes, quatre voitures ont brûlé dans le quartier de Bellevue à 21h30, mais tout est rentré dans l'ordre par la suite, d'après les pompiers.

NORD. Quatorze voitures ont été incendiées dans la soirée à Lille, Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, Hem et Mons-en-Baroeul, a déclaré la préfecture. Aucune interpellation n'a été effectuée.

PICARDIE. A Amiens, six voitures ont été incendiées et un camion de pompiers caillassé pendant une intervention dans les quartiers nord de la ville, selon la préfecture de la Somme. Deux jeunes majeurs ont été interpellés par la police, a-t-on précisé de même source.

Deux bus ont été entièrement détruits et deux autres partiellement endommagés par un incendie dans un entrepôt extérieur proche du centre-ville de Soissons (Aisne). Trois voitures ont par ailleurs été incendiées dans le quartier de Presles dans la même ville. Aucune interpellation n'a eu lieu.

Dans l'Oise, trois voitures ont été incendiées, dont l'une à proximité d'un lycée, à Méru, a-t-on appris auprès de la préfecture, qui a précisé qu'aucune interpellation n'avait eu lieu.

Entre le 27 octobre et le 3 novembre au soir inclus, 1 260 véhicules ont été incendiés en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d'Oise, les Yvelines, l'Essonne, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne, selon la police.

Le Monde.fr (avec AFP et Reuters)


Après l'Ile-de-France, les violences urbaines essaiment en province
LEMONDE.FR 04.11.05 08h16 • Mis à jour le 04.11.05 08h39

La nuit de jeudi à vendredi a semblé plus calme en Ile-de-France avec des affrontements directs plus rares et un nombre moins élevé de voitures incendiées avant minuit, selon la police. Le bilan s'élève cependant à 400 véhicules brûlés, surtout en banlieue parisienne, mais aussi 33 en province dont sept à Dijon, neuf en Seine-Maritime et huit dans les Bouches-du-Rhône.
L'un des incidents les plus graves a eu lieu à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), où des véhicules de CRS ont subi "des tirs de pistolets à grenaille", qui n'ont pas fait de blessés, selon la préfecture. Quelque 300 policiers départementaux et mille hommes des compagnies républicaines de sécurité et escadrons de gendarmes mobiles avaient été déployés en Seine-Saint-Denis pour la soirée.
A Aulnay-sous-Bois, les pompiers de Paris ont dû combattre un important incendie dans un entrepôt de moquettes de 15 000 m2. Mais la préfecture expliquait qu'on ne pouvait pas, "en l'état actuel, relier cet incendie aux mises à feu qui ont marqué les récentes violences urbaines".
LES ÉLUS LOCAUX CONTRE "UN ÉNIÈME PLAN"
Lors des différentes réunions de la journée de jeudi, et des consultations avec les élus et les associations, le premier ministre, Dominique de Villepin, a martelé sa volonté de "nouer le dialogue" pour "trouver des solutions adaptées" aux problèmes des banlieues tandis que les élus locaux, de gauche comme de droite, l'ont mis en garde contre la fausse bonne solution, selon eux, d'un "énième plan". Ces derniers ont plaidé pour une action en profondeur.
"On n'est pas sur l'idée d'un plan d'urgence mais sur celle de traiter les problèmes au fond avec un vrai pacte républicain", a déclaré le maire de Lambersart, Marc-Philippe Daubresse (UMP), ancien ministre du logement du gouvernement Raffarin."Ce n'est pas l'heure des effets d'annonce, des énièmes plans, mais de faire entrer nos quartiers dans le droit commun, dans ce qui marche ailleurs et ce qui peut marcher chez nous", a ajouté Jean-Christophe Lagarde, maire UDF de Drancy.
Pour le maire PS d'Evry, Manuel Valls, "il faut un retour à l'ordre mais très vite des messages d'espoir vis-à-vis de tous ceux qui souffrent". Des "solutions fortes", selon lui, et "pas de petites solutions en quelques jours, pas un énième plan en faveur des banlieues". Il faut selon lui, "un véritable plan en matière de réorganisation de la police, pour une police de proximité" et qui accorde "la priorité à l'éducation". Il ne faut pas qu'on crée "un ixième plan Marshall", a renchéri Jean-Marie Bockel, maire PS de Mulhouse.

Avec AFP

Clichy-sous-Bois : un policier aurait signalé que des adolescents pénétraient sur le site EDF
LEMONDE.FR 03.11.05 16h10 • Mis à jour le 03.11.05 16h53

Selon les premiers résultats de l'enquête administrative rendus publics, jeudi 3 novembre, un policier avait prévenu ses collègues par radio du risque que deux adolescents qu'il venait d'apercevoir trouvent refuge dans le transformateur EDF où Zyed et Bouna sont morts électrocutés, le 27 octobre, à Clichy-sous-Bois.

"DEUX INDIVIDUS EN TRAIN D'ENJAMBER UN MUR"
Aussitôt ces éléments connus, mercredi soir, l'Inspection générale des services (IGS) a recommencé à interroger les policiers ayant participé à l'opération. Le ministère de l'intérieur, précisant avoir souhaité la publicité de l'enquête administrative "par souci de transparence", a refusé de commenter plus avant ce rapport, se limitant à préciser qu'en l'état actuel des investigations,"aucune sanction n'avait été prise" contre les policiers.
L'Inspection générale des services a fondé son rapport sur l'écoute des échanges radio durant l'opération. "Il ressort qu'un chef de bord intervenant, appelé en renfort, effectue des recherches dans un cimetière attenant à l'emprise EDF. Il signale que les deux individus sont localisés et en train d'enjamber (un mur) pour aller sur le site EDF, indique le rapport de la "police des polices". Obligé de réitérer la fin du message pour des causes techniques, il atténue son information en précisant qu'il s'agissait de sa pensée et qu'il faudrait appeler du renfort pour cerner le quartier." "Quelques instants plus tard, un opérateur, qui ne s'identifie pas, signale que la pénétration sur le site EDF représente un danger vital", ajoute l'IGS.
"Entendu sur ses propos enregistrés à la radio, le chef de bord concerné a expliqué qu'il n'avait pas vu directement les individus pénétrer dans le site EDF, mais qu'il avait craint que ce soit leur intention", indique l'Inspection, selon qui "ses explications ne sont pas, à ce stade, incohérentes avec sa première audition".
Le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, a reçu, jeudi en milieu de journée, les familles de Bouna et Zyed pour les informer de ces éléments.
OUVERTURE D'UNE INFORMATION JUDICIAIRE
Le procureur de la République de Bobigny, François Molins, a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour "non-assistance à personnes en danger", rejoignant les conclusions de l'avocat des familles des victimes, Me Jean-Pierre Mignard. Le procureur a souligné que le "gros travail d'enquête" effectué par la police judiciaire confirmait qu'il n'y avait "pas eu de course poursuite" par la police des trois jeunes électrocutés. Il subsiste néanmoins des questions qui rendent nécessaires la nomination d'un juge d'instruction.
L'audition de la totalité des policiers impliqués et l'écoute des enregistrements des conversations entre les forces de police et la salle de commandement de la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) ont permis de préciser certains éléments du drame, a indiqué le procureur : à 17 h 30, des policiers ont indiqué à la DDSP avoir vu deux individus enjamber une clôture se trouvant sur un terrain vague jouxtant le local transformateur EDF ; à 17 h 36, un policier est monté sur une poubelle pour essayer de voir si ces derniers se trouvaient dans l'enceinte du local, entouré par un mur de près de trois mètres de haut.
Cinq à dix minutes plus tard, deux autres personnes qui se cachaient dans un cimetière voisin du local étaient interpellées et les policiers rentraient au poste. L'enquête du juge d'instruction devra déterminer si les deux policiers ont pu penser que les deux adolescents interpellés étaient les mêmes que ceux qu'ils ont vus enjamber le grillage, et s'ils ont fait le nécessaire pour assurer la sécurité des jeunes, a souligné le procureur

Avec AFP

Edito du Monde : Dérisoires zizanies
LE MONDE 03.11.05 13h05 • Mis à jour le 03.11.05 13h05

Les chiffres sont tristement éloquents : depuis le 1er janvier, près de 70 000 faits de violences urbaines ont été recensés en France. Depuis dix mois, selon ce nouvel indicateur des renseignements généraux, on a recensé plus de 28 000 voitures brûlées et 442 affrontements entre bandes. Si les violences urbaines sont permanentes, elles se sont aggravées dans les banlieues d'Ile-de-France, et d'abord en Seine-Saint-Denis, qui a connu sa septième nuit d'émeutes depuis la mort, le 27 octobre, de deux adolescents à Clichy-sous-Bois.
Dominique de Villepin a eu raison de dire, le 2 novembre, qu'"il n'y a pas de solution miracle face à la situation des quartiers". Cette lapalissade montre bien que, sous la droite comme sous la gauche, l'Etat a révélé son impuissance.
Mais avec les explosions de violences provoquées par le drame de Clichy-sous-Bois, l'Etat a, en outre, donné le spectacle d'une gestion désordonnée. Sans doute soucieux de retrouver les faveurs de la frange la plus à droite de son électorat, indisposée par sa prise de position en faveur du droit de vote des immigrés aux élections municipales, Nicolas Sarkozy a tenu le langage qu'elle voulait entendre.
En voulant venir à bout des violences urbaines, le ministre de l'intérieur est dans son rôle. Mais quand il veut "nettoyer au Kärcher" les banlieues et faire la chasse à la "racaille", il obtient exactement l'inverse des résultats visés par sa fermeté affichée. Le propos est reçu comme une stigmatisation globale des jeunes des cités. Loin de rétablir l'ordre dans les quartiers, il active l'enchaînement des violences urbaines.
Si M. Sarkozy a démontré les limites de son discours sécuritaire, les autres autorités concernées n'ont pas brillé par leur savoir-faire. Jacques Chirac a attendu le 2 novembre pour appeler à l'apaisement. Le premier ministre est resté silencieux cinq jours avant de jouer la carte de la dramatisation politique en annulant, in extremis, un voyage au Canada. Jean-Louis Borloo a été, jusqu'à jeudi, aux abonnés absents.
Au-delà de leurs zizanies, qui attisent leur compétition pour 2007 sur pratiquement tous les sujets, M. Sarkozy et M. de Villepin défendent deux stratégies antagonistes pour lutter contre les violences urbaines. Le ministre de l'intérieur parle de fermeté et de justice mais ne semble pratiquer que la première.
Le premier ministre, après avoir, au diapason du chef de l'Etat, redit à juste raison qu'"il n'y aura pas de zone de non-droit", laisse entrevoir un traitement social. "Prévenons tout amalgame entre une minorité qui mène le désordre et la grande majorité des jeunes qui souhaitent s'intégrer dans la société", a-t-il affirmé.
M. de Villepin annonce un énième plan d'action pour les banlieues. Mais la coexistence de deux visions opposées au sommet donne lieu à des gesticulations ­ comme avec le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag ­ dérisoires. Il est temps de gérer sérieusement une crise sérieuse.
Article paru dans l'édition du 04.11.05

Les divisions du gouvernement sur les banlieues exaspèrent la droite
LE MONDE 03.11.05 13h04 • Mis à jour le 03.11.05 13h51

Sept nuits d'émeutes et un désaccord gouvernemental qui persiste. La crise qui couve aujourd'hui dans les banlieues est venue interférer dans une rivalité désormais exacerbée entre Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Au risque de souligner devant l'opinion que cette compétition empêche concrètement de résoudre une flambée de violences urbaines.
Mercredi, la droite s'est en tout cas inquiétée des effets de ce conflit ouvert. Reprochant parfois fermement au premier ministre d'avoir laissé s'exprimer publiquement les désaccords de ses ministres. Et se rangeant même derrière le ministre de l'intérieur, jusque-là pourtant critiqué sur son style et son vocabulaire, au nom de leur électorat, sensible à un langage de fermeté dans les banlieues.
Après l'avoir laissé s'enferrer dans la crise, en autorisant le ministre délégué à la promotion des chances, Azouz Begag, à lui porter la contradiction, le chef de l'Etat et le premier ministre avaient prévu de récupérer la mise. Conformément à ce scénario, mercredi 2 novembre, Jacques Chirac a fait la leçon à M. Sarkozy en conseil des ministres. Une mise au point "très fraîche", selon un participant. "L'absence de dialogue et l'escalade de l'irrespect mèneraient à une situation dangereuse", a affirmé le chef de l'Etat, après que M. Sarkozy eut fait le point sur la situation.
Dans un second temps, il convenait de montrer que le numéro deux du gouvernement était désormais sous tutelle. Lors de la séance des questions d'actualité, dans l'après-midi, M. de Villepin ­ qui a annulé son voyage officiel au Canada ­ est intervenu lui-même à trois reprises, laissant le ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, répondre à une dernière question sur ce thème posée par Manuel Valls (PS, Essonne).
ÉCHANGE GLACIAL
A l'issue du conseil des ministres, M. de Villepin a réuni à Matignon une dizaine de membres du gouvernement, pour discuter avec eux de ces "événements de la plus haute gravité". Mais cette réunion a surtout été l'occasion d'un échange glacial entre le premier ministre et le numéro deux du gouvernement. Insistant sur la nécessité de marier "fermeté et justice" , M. de Villepin s'attire une sèche réplique du ministre de l'intérieur : "C'est exactement les mots que j'emploie depuis des mois !"
L'exaspération de M. Sarkozy est à la mesure de sa crainte : son retour Place Beauvau, qui devait sous-tendre la stratégie de conquête du candidat à l'élection présidentielle, se révèle-t-il être le piège annoncé ? En fin de matinée, mercredi, le premier ministre peut se croire en position de force lorsqu'il pénètre salle Colbert pour assister à la réunion du groupe UMP de l'Assemblée nationale. Mais le décor n'est pas celui auquel il pouvait s'attendre.
Reflétant les sentiments de l'électorat de droite, les députés, dans leur grande majorité ­ et même s'ils ne se rangent pas nécessairement dans la mouvance sarkozyste ­ approuvent le langage de "fermeté" du ministre de l'intérieur. La réunion a débuté en l'absence du premier ministre. Tour à tour, François Grosdidier (Moselle), maire de Woippy, Georges Mothron (Val-d'Oise), maire d'Argenteuil, Gérard Hamel (Eure-et-Loire), maire de Dreux, Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne), maire de Dammarie-les-Lys, ont exprimé leur crainte que les troubles se propagent, tout en insistant sur le fait qu' soit responsable de la dégradation du climat. Pour M. Grosdidier, qui se dit "une minorité de délinquants""choqué" par les propos de M. Begag, "ce sont les voyous qui en profitent pour s'engouffrer dans la faille" : "Les caïds de l'économie parallèle ne veulent pas que la République s'installe dans les quartiers" , insiste-t-il. "Il n'y a pas un mot à retirer à ce qu'a dit Nicolas Sarkozy", ajoute M. Mignon. "Il ne faut pas hésiter à appeler les voyous des racailles" , assure le député de Seine-et-Marne.
M. Mignon est en train d'intervenir lorsque le premier ministre pénètre dans la salle sans susciter la moindre manifestation de soutien. Quelques minutes plus tard arrive M. Sarkozy, qui est accueilli par des applaudissements nourris. Philippe Briand (Indre-et-Loire), maire de Saint-Cyr-sur-Loire, habituellement plutôt classé parmi les chiraquiens, réclame la solidarité gouvernementale derrière le ministre de l'intérieur et demande au premier ministre d'"entendre" les élus de terrain.
Passablement excédé, M. de Villepin balaie l'air d'un vif geste du bras que nombre de députés commenteront longuement par la suite. Plus qu'une fin de non-recevoir, "une marque de mépris", estime un président de commission.
"Puisque vous savez tout , commence le premier ministre, au lieu de déclamer, donnez-moi des solutions. J'en ai assez des y'a-qu'à et des faut-qu'on..." Nadine Morano, un des soutiens les plus inconditionnels du ministre de l'intérieur, prend la parole. Mais quand la députée de Meurthe-et-Moselle veut aborder le "problème" Azouz Begag, le premier ministre la coupe sèchement, lui signifiant qu'il ne veut pas en entendre parler. Vive tension dans la salle. M. Briand reprend la parole : "Le groupe est là pour soutenir le gouvernement , assure-t-il au premier ministre, mais le gouvernement doit aussi écouter le groupe. Si tu n'es pas capable d'entendre des vérités, si ton objectif c'est que les parlementaires ne parlent plus, ça va se finir comme ça..."
Même les plus fervents soutiens du premier ministre peinent à cacher leur embarras, craignant qu'il n'ait perdu là en quelques minutes le crédit qu'il avait mis des mois à conquérir auprès d'élus qui lui vouent toujours une certaine méfiance. "On a retrouvé le Villepin pour qui les députés sont tous des "cons" ", commente un député.
Le premier ministre devait présider à partir de jeudi plusieurs réunions de travail avec des acteurs politiques et sociaux pour préparer un "plan d'action en faveur des banlieues difficiles" qui doit être prêt avant la fin du mois de novembre.
Service France Article paru dans l'édition du 04.11.05

Un jeune à Aulnay-sous-Bois : "Ce n'est qu'un début, on va continuer jusqu'à ce que Sarkozy démissionne"
LE MONDE 03.11.05 13h05 • Mis à jour le 03.11.05 13h25

Les flammes s'aperçoivent à plusieurs centaines de mètres. Il est 23 h 30, ce mercredi 2 novembre, et un incendie violent embrase les locaux d'un concessionnaire automobile qui abritait plusieurs voitures neuves à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), au rond-point de l'Europe. Une centaine de pompiers s'activent à combattre le feu, sous la protection de deux compagnies de CRS. La tension reste vive, plusieurs dizaines de jeunes prennent à partie une équipe de France Télévision. La voiture de reportage est incendiée, après avoir été utilisée comme bélier contre une agence bancaire.
A l'arrivée de la police, les groupes se replient en désordre. Ne restent que quelques badauds qui assistent, silencieux, à l'intervention des pompiers. Quelques minutes plus tôt, la caserne d'Aulnay-sous-Bois, protégée par les CRS, a elle-même été visée par des jets de cailloux et de briques.
Selon plusieurs témoins, une quarantaine de jeunes, dont certains de très jeune âge, ont attaqué la concession automobile avec des cocktails Molotov, à l'origine du départ de feu. Sur place, Christian Lambert, le directeur central des CRS, demande à ce que l'on procède à des interpellations. "Ils vont très vite et sont très mobiles, ils cassent systématiquement tout et il est presque impossible de les arrêter tout de suite" , déplore un officier de la CRS 7. En Seine-Saint-Denis, 15 personnes seront interpellées dans la nuit, portant le total des arrestations à 89 en trois jours.
Des incidents sont signalés dans les Hauts-de-Seine ; des dizaines de voitures brûlées, un jet de cocktail Molotov sur le commissariat d'Antony. Six véhicules sont détruits par le feu dans le Val-d'Oise. Mais c'est en Seine-Saint-Denis que sont concentrés les faits les plus graves. A La Courneuve, "les policiers ont été visés par deux tirs à balles réelles", indique le responsable opérationnel des CRS de la préfecture de police. A Aulnay, encore, un poste de police a été forcé et saccagé. Situé près de la cité sensible des 3000, il est fermé la nuit. Des jets de cailloux, et des affrontements sporadiques à Sevran, Bobigny, Bondy, Livry-Gargan, l'incendie d'un gymnase au Blanc-Mesnil ont été signalés. Clichy-sous-Bois et Montfermeil, où la tension avait été la plus forte les nuits précédentes, comptent parmi les villes les plus calmes.
"ON SENTAIT MONTER ÇÀ"
A Aulnay, quelques jeunes des 3000 viennent dire aux journalistes qu'ils ne s'arrêteront pas, une semaine après le début des affrontements avec la police, provoqués par la mort inexpliquée de deux jeunes gens, jeudi 27 octobre, dans un transformateur de Clichy-sous-Bois. "Cela va peut-être leur faire comprendre aux gens du gouvernement", dit l'un d'eux, tandis qu'un autre avertit : "Ce n'est qu'un début, on va continuer jusqu'à ce que Sarkozy démissionne."
Il est un peu plus de minuit et demi quand Nicolas Sarkozy arrive à la direction départementale de la sécurité publique à Bobigny, en provenance de l'Assemblée nationale où les députés discutaient le budget du ministère de l'intérieur. Se refusant à toute déclaration, M. Sarkozy évoque "une réunion de travail" avec le préfet, Jean-François Cordet, M. Lambert, et les responsables policiers du département. "Nous avons à faire à des bandes organisées" , a indiqué à la sortie le responsable de la sécurité publique de Seine-Saint-Denis, Jacques Méric, suggérant pour la première fois une forme de concertation, et le choix préalable de cibles. Sur le terrain, un officier de CRS se montrait plus prudent : "Ils sont certainement organisés, mais on ne peut pas encore parler d'une sorte de coordination des actions."
Le ministre fait état des notes et des statistiques des Renseignements généraux. "On sentait monter ça depuis plusieurs mois, explique M. Sarkozy. Le nombre d'incidents enregistrés à Noël 2004 et au 14-Juillet avait été alarmant."
Comment faire face aux violences persistantes ? Le plan de lutte contre les violences urbaines, mobilisant 17 compagnies de CRS dans 17 départements sensibles est entré en vigueur, jeudi 2 novembre. A Aulnay, plusieurs officiers de CRS mobilisés dans le cadre de cette nouvelle mission critiquaient l'absence de soutien des forces de sécurité publique sur le terrain, en clair des gardiens de la paix des commissariats. Alors qu'ils intervenaient pour assister les pompiers pendant l'incendie chez le concessionnaire d'Aulnay, les CRS ont été contraints d'assurer la circulation automobile.
Au cours d'une conférence de presse improvisée, Marc Gautron, secrétaire national de l'UNSA-police, syndicat majoritaire, réclamait que "la police de proximité soit rétablie dans les cités". "Malgré les discours d'apaisement du gouvernement, a-t-il ajouté, on constate une escalade de la violence. Il faut rétablir les polices de proximité de façon à faire de nouveau de la prévention."
Vers 2 heures du matin, le calme était revenu dans l'ensemble du département. Un seul blessé grave était à signaler du côté des CRS, touché à la main par l'explosion d'un cocktail Molotov

Pascal Ceaux
Des peines de prison ferme prononcées
Deux peines de un mois et trois mois de prison ferme ont été prononcées, mercredi 2 novembre, par le tribunal correctionnel de Bobigny contre deux jeunes adultes qui comparaissaient pour avoir participé à des "attroupements armés" , lundi 31 octobre à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Trois autres jeunes ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. L'un des prévenus a été relaxé.
Article paru dans l'édition du 04.11.05

Les violences dans les banlieues relancent le débat sur la police de proximité
LEMONDE.FR 03.11.05 12h36 • Mis à jour le 03.11.05 13h50

L'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) des policiers, inquiète de la situation "dramatique" dans les banlieues parisiennes, a demandé que "la police de proximité soit rétablie dans les cités", jeudi 3 novembre, lors d'un point-presse improvisé à Aulnay-sous-Bois, alors que la Seine-Saint-Denis connaissait une septième nuit de violences.
"Malgré les discours d'apaisement du gouvernement, on constate une escalade de la violence", a déclaré M. Gautron, secrétaire national du syndicat pour la section CRS, à Aulnay-sous-Bois, où d'importants effectifs de pompiers et de CRS étaient déployés."Il faut rétablir les polices de proximité, de façon à faire de nouveau de la prévention dans les cités", a poursuivi M. Gautron. "On fait semblant de s'apercevoir que ça vient de commencer mais on avait un peu laissé tomber les banlieues en pensant que ça allait se calmer", a-t-il ajouté."Le gouvernement ne doit pas reculer et il doit faire appliquer le plan de lutte contre les violences urbaines qui devait démarrer à compter d'aujourd'hui [2 novembre] dans 17 départements", a conclu le représentant du syndicat UNSA-police.
SÉRIE DE RÉUNIONS À MATIGNON
Une réunion de deux heures consacrée à la sécurité dans les quartiers sensibles, à laquelle participaient une quinzaine de maires UMP, se déroulait à Matignon jeudi matin. Outre Nicolas Sarkozy, trois ministres, Jean-Louis Borloo (emploi, cohésion sociale et logement), Brice Hortefeux (collectivités locales) et Henri Cuq (relations avec le Parlement) participaient à la réunion autour de Dominique de Villepin.
Après un déjeuner entre le premier ministre et le ministre de l'intérieur, une nouvelle réunion sur la mise en œuvre des actions dans les zones urbaines sensibles aura lieu à Matignon dans l'après-midi avec une nouvelle fois des maires mais davantage de ministres : Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo, Michèle Alliot-Marie (défense), Gilles de Robien (éducation nationale), Pascal Clément (justice), Jean-François Lamour (sports), Azouz Begag (promotion de l'égalité des chances), Brice Hortefeux et Catherine Vautrin (parité).
En fin de journée, une dernière réunion devrait se tenir avec des associations, en présence de Jean-Louis Borloo, Azouz Begag et Catherine Vautrin.
La flambée de violences en banlieue a été entraînée par la mort de deux jeunes de Clichy-sous-Bois qui s'étaient réfugiés dans un transformateur électrique en se croyant poursuivis par la police. Les familles de Zyed Benna et Bouna Traore et celle de Muhittin Altun, qui a été blessé, ont porté plainte, mercredi 2 novembre, avec constitution de partie civile, auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Bobigny, ont précisé, jeudi, les avocats dans un communiqué.
Le procureur de la République de Bobigny François Molins a annoncé l'ouverture d'une information judiciaire contre X pour non assistance à personnes en danger.
Avec AFP

Clichy-sous-Bois cristallise les tensions politiques et sociales
LE MONDE 01.11.05 12h30 • Mis à jour le 01.11.05 12h52

Entre les forces de l'ordre et les jeunes émeutiers de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) et Montfermeil, quelques dizaines d'adultes ont improvisé un service d'ordre explicitement musulman. Au milieu de la rue qui relie Clichy à la cité des Bosquets de Montfermeil, dans la nuit de lundi 31 octobre à mardi 1er novembre, ils font la circulation, discutent avec leurs "frères" et les gendarmes protégés derrière leurs boucliers. Quelques heures après les premières condamnations de jeunes gens interpellés au cours des émeutes des jours précédents, l'ambiance est électrique.
"Rentrez chez vous" , hurlent en direction des jeunes ces adultes, dont beaucoup portent une longue barbe et la tenue traditionnelle. Ils tentent de canaliser les assaillants en dressant un cordon vite dépassé par la mobilité des petits groupes qui circulent entre les immeubles mal éclairés. Pour la cinquième nuit consécutive depuis la mort de deux mineurs de Clichy électrocutés jeudi 27 octobre, des pierres et des bouteilles fusent en direction des forces de l'ordre qui ripostent avec des gaz lacrymogènes. "Ne tirez pas. On va prendre des pierres avant vous" , supplient les adultes devant les gendarmes.
Smaïn, un jeune homme d'une vingtaine d'années, fait des allers et retours entre les jeunes et les forces de l'ordre. "80 % des Clichois sont musulmans. Si on leur parle, ils nous écoutent, on peut les raisonner , assure-t-il. L'islam condamne la violence, que ce soit des voitures brûlées ou des agressions contre une mosquée." A ses côtés, Hassini Adef, 50 ans, veut croire en la capacité de l'islam d'apporter la paix. "Dans les années 1980, c'était beaucoup plus chaud ici. Aujourd'hui, quand on parle avec les jeunes, ils nous entendent."
L'épisode de la bombe lacrymogène qui a atteint, la veille, la salle de prière a accru la colère. "Si ça avait été sur une synagogue, qu'est-ce qu'on aurait dit. Tout le monde aurait crié au scandale !" , s'indigne un habitant de Clichy d'une quarantaine d'années qui ne veut pas donner son nom. Il défend les jeunes émeutiers et critique le service d'ordre : "Vous parlez de faire une marche, mais ça sert à rien. On a des papiers depuis des générations mais on n'est pas des Français comme les autres."
Un peu plus loin, côté Montfermeil, des jeunes incendient une voiture puis des poubelles. Lorsque les pompiers et les forces de l'ordre s'approchent, ils subissent des jets de projectiles. D'un immeuble voisin, on lance des objets, certains visiblement très lourds. "Ils ont touché à la mosquée et on ne peut plus rien faire", se désole un des "frères" du service d'ordre. Des gendarmes sont appelés en renfort. A plusieurs reprises, ils font usage des flash-balls pour repousser les émeutiers. Deux heures après le début des incidents, ils investissent des immeubles pour tenter d'accéder aux toits et procéder à des interpellations.
"HARCÈLEMENT"
Autour de la caserne des pompiers, boulevard Gagarine, les forces de l'ordre reçoivent également des projectiles. Vers 22 h 30, quatre adolescents sont interpellés. Assis par terre, en tailleur, adossés à l'un des portails métalliques de la caserne des pompiers, ils attendent, l'air hébété, que le fourgon arrive pour les embarquer. "On va se contenter d'un contrôle d'identité. Pas de garde à vue" , indique un des responsables de la police. "On a trouvé sur eux des foulards et ils avaient des gants qui sentent encore l'essence... Mais bon, ce n'est pas le moment d'en rajouter. Un gosse en garde à vue égale un martyr. Le quartier n'a pas besoin de ça" , poursuit le policier.
Le bilan de cette nouvelle nuit de violences urbaines est moins sévère que les précédents. Selon le décompte de la préfecture de Seine-Saint-Denis, 18 voitures ont été incendiées, contre une cinquantaine environ les deux premières nuits. Le garage de la police municipale de Montfermeil a également été incendié. Evitant de parler d'"émeute" , au motif que les affrontements directs ont été moins nombreux, la préfecture évoque des "actions de harcèlement" menées par des petits groupes de dix à quinze assaillants.
Quatorze interpellations ont été effectuées pour des jets de projectiles, destruction de biens, détention de substances incendiaires. Plus inquiétant, des incidents ont eu lieu dans plusieurs communes de Seine-Saint-Denis non concernées jusque-là, notamment à Bondy, Sevran, Aulnay-sous-Bois et Neuilly-sur-Marne. Au total, plus d'une centaine de véhicules ont été incendiés sur le territoire (Toulouse, Valence, Pau, Nanterre, etc.), dont 70 en Seine-Saint-Denis. En moyenne, une trentaine de cas sont recensés en France chaque nuit.
Les renseignements généraux craignaient une soirée très agitée du fait de l'accumulation des facteurs de tension. Le matin, le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, avait confirmé que la grenade lacrymogène qui avait atteint la mosquée de Clichy, dimanche 30 octobre, correspondait aux modèles des CRS. L'après-midi, les familles des deux mineurs morts électrocutés avaient refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy à la préfecture de Seine-Saint-Denis.
Surtout, les premières condamnations ont été prononcées à l'encontre de trois jeunes de Clichy accusés de violences contre les forces de l'ordre dans la nuit du 28 au 29 octobre. Agés de 20 à 27 ans, ils ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Bobigny à huit mois de prison dont deux ferme. Dans une ambiance très tendue, les trois hommes ­ un Français, un Marocain en situation irrégulière et un demandeur d'asile politique originaire de Côte d'Ivoire ­ ont contesté avoir jeté des pierres ou des bouteilles contre les policiers.
L'audience de jugement de cinq autres jeunes gens a été repoussée au 7 novembre. Dans l'attente, ils ont été placés sous mandat de dépôt. "Vous nous envoyez en prison, vous n'avez pas de preuves" , ont hurlé les prévenus lorsqu'ils ont appris qu'ils devaient être incarcérés. Une bousculade a ensuite eu lieu pendant leur sortie de la salle d'audience.
Treize jeunes gens, interpellés samedi et dimanche au cours des émeutes à Clichy, ont été déférés lundi soir devant le parquet de Bobigny. Huit d'entre eux devraient être jugés mercredi, un autre convoqué ultérieurement. Quatre autres jeunes, mineurs, devaient comparaître mardi devant le juge des enfants. Six jeunes interpellés ont, en revanche, été remis en liberté.

Luc Bronner et Catherine Simon Article paru dans l'édition du 02.11.05

Situation "précaire" et tension permanente dans les banlieues lyonnaises
LE MONDE 01.11.05 12h31 • Mis à jour le 01.11.05 12h31
LYON correspondance

Entre janvier et septembre, 800 voitures ont été incendiées dans l'agglomération lyonnaise, selon les statistiques de la police. Un chiffre en baisse de 8 % par rapport à la même période de l'année 2004. Cet indicateur, parmi les neuf paramètres destinés à mesurer les violences urbaines, selon une nouvelle échelle définie par les renseignements généraux, semble tempérer les inquiétudes. "Aujourd'hui, la situation est sans rapport avec les événements que connaît la région parisienne" , dit Jean-Paul Breque, directeur adjoint de la direction départementale de sécurité publique (DDSP) du Rhône, tout en précisant : "Nous ne sommes pas pour autant à l'abri d'une explosion soudaine, nous devons rester très vigilants et professionnels."
Réputée chaude depuis les insurrections des années 1980, la banlieue lyonnaise ne plonge pas dans la spirale de la violence, mais la situation reste "précaire" , selon un policier d'expérience : "Beaucoup de quartiers sont à la limite. Dès qu'il y a un problème avec une institution d'Etat, ça pète, on constate des poussées de fièvre un peu anarchiques, un incident grave peut à tout moment déclencher un embrasement."
Dernier exemple en date : le soir du 16 octobre, dans le quartier du Mas du Taureau, à Vaulx-en-Velin, deux adolescents sur un scooter volé ont chuté en voulant échapper à la brigade anticriminalité (BAC). L'un, sévèrement blessé à la cheville, a été hospitalisé, pendant qu'une rumeur le disait "dans le coma" et mettait en cause le comportement des policiers. Résultat : plusieurs soirées de troubles, émaillées d'affrontements entre groupes d'adolescents et forces de l'ordre. Les faits se sont produits à l'endroit précis où, quinze ans plus tôt, la mort de Thomas Claudio, dans des circonstances similaires, provoquait les plus fortes émeutes de la banlieue lyonnaise.
"DUEL AVEC LA POLICE"
"Rien n'a vraiment changé, l'emploi, le logement, rien n'est résolu, une étincelle peut tout faire basculer, le malaise reste profond, les associations qui temporisaient n'ont plus les moyens" , regrette Yves Ména, membre historique de l'association Agora, pour qui "les élus fonctionnent avec des logiques anciennes, croient tout résoudre par l'urbanisme, mais renvoient toujours une image implicitement à part de ces quartiers" . Selon lui, les jeunes des cités vivent au rythme "d'une sorte de duel permanent avec la police" avec, d'un côté, les autorités déplorant "les incivilités récurrentes" et, de l'autre, des adolescents dénonçant "les méthodes de cow-boys" .
"Les périodes de tension correspondent souvent à des discours ultra-répressifs, parler de "nettoyage au Karcher" de "racailles", ça peut satisfaire l'opinion, mais ce n'est pas sans conséquence ; en cascade, ça peut jouer sur le policier en patrouille qui dépasse les limites de ses prérogatives et, pour les populations des banlieues, les propos de M. Sarkozy sont dévastateurs", estime Yves Ména. "La police affronte un travail difficile dans des quartiers qui continuent d'abriter une délinquance souterraine" , observe de son côté un commissaire de police.
Un autre élément illustre une réalité plus impalpable que tous les discours sociologiques. Dans la nuit du jeudi 27 octobre, 10 voitures ont brûlé dans le quartier de la Duchère, à Lyon, au lendemain de l'implosion d'un immeuble ­ en présence du ministre Jean-Louis Borloo et du maire (PS) Gérard Collomb ­ destinée à remodeler ce secteur populaire du 9e arrondissement. "Un acte qui paraît purement ludique, comme si les incendiaires jouaient avec l'attention médiatique du moment, sans autre motif , analyse le policier. Comme quoi la violence urbaine résulte d'une infinité de facteurs."

Richard Schittly

Les maires de banlieue critiquent Nicolas Sarkozy
LE MONDE 02.11.05 13h53 • Mis à jour le 02.11.05 13h53

Georges Mothron est député (UMP) du Val-d'Oise et maire d'Argenteuil. Jeudi 27 octobre, deux jours après la venue de Nicolas Sarkozy, qui avait employé le terme de "racaille" lors de sa visite, sa voiture a été incendiée. Assurant n'avoir "jamais eu jusqu'ici de souci avec quiconque" dans cette ville où il est né, M. Mothron raconte : "Une quinzaine de jeunes m'ont dit, avec le sourire, qu'il y avait sans doute une relation" entre la venue du ministre de l'intérieur et l'incendie de sa voiture.
Reçu par M. Sarkozy au lendemain de cet incident, le maire lui a demandé d'"éviter tout amalgame" à l'avenir : "Je suis pour la manière forte vis-à-vis des voyous. Mais je lui ai dit que s'il revenait à Argenteuil, il fallait qu'il mette en valeur ceux qui sont bien insérés." Une délégation de jeunes de sa commune a été reçue, mardi 1er novembre, par le ministre de l'intérieur.
Sous couvert d'anonymat, un autre député UMP de la petite couronne assure que les élus de banlieues redoutent désormais les déplacements du ministre : "Tout le monde claque des dents en se disant : "Pourvu qu'il ne vienne pas chez moi la prochaine fois"."
"M. Sarkozy tient des propos excessifs. Il y a des termes à ne pas employer afin de ne pas braquer", explique le député (UMP) de Seine-Saint-Denis Jean-Claude Abrioux. L'ancien maire d'Aulnay-sous-Bois insiste sur la nécessité de "dialoguer" et d'éviter toute "provocation". Député (UDF) du même département et maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde dénonce une "communication imprudente", alors que "l'action de l'Etat est insuffisante".
APPEL À LA MÉDIATION
Ceux qui, à droite, continuent de prendre la défense de M. Sarkozy déplorent le silence de ses collègues du gouvernement. "Le ministre des affaires sociales doit s'exprimer, le premier ministre aussi", a souligné, lundi, le député (UMP) des Yvelines et maire de Chanteloup-les-Vignes, Pierre Cardo, en invoquant la nécessité de "la prévention" et de "l'éducation".
"Le ministre de l'intérieur est dans son rôle quand il dit que force doit rester à la loi. Mais c'est par la médiation que l'on calmera les esprits", a renchéri son collègue des Yvelines Pierre Bédier, ex-maire (UMP) de Mantes-la-Jolie.
Proche de M. Sarkozy, le député (UMP) de Seine-et-Marne Yves Jégo a mis implicitement en cause les chiraquiens : "S'agit-il d'une stratégie visant à isoler le ministre de l'intérieur dans une posture caricaturale ? Peut-être y a-t-il, dans cette affaire, une utilisation des incidents à d'autres fins..."
A gauche, les réactions sont vives. "Ce n'est plus un ministre de l'intérieur qui s'exprime, mais un candidat en campagne qui multiplie les déclarations à l'emporte-pièce", affirme Bruno Le Roux, député (PS) de Seine-Saint-Denis. "Il n'y a qu'avec les populations des banlieues qu'on emploie ce vocabulaire dégradant et discriminant", remarque Julien Dray, député (PS) de l'Essonne.
Martine Aubry, maire (PS) de Lille, juge que le ministre "souffle l'intolérance à l'égard des jeunes, au risque d'accroître la violence". "On considère les habitants des banlieues comme des animaux ou des pestiférés", renchérit Claude Bartolone, député (PS) de Seine-Saint-Denis, notant qu'"on risque de faire naître un patriotisme de quartier".
Plus largement, c'est la politique de la ville qui est critiquée : la suppression des emplois-jeunes, les subventions coupées aux associations de quartiers, la disparition de la police de proximité.
"On paye les choix faits depuis 2002", assure Manuel Valls, député (PS) de l'Essonne et maire d'Evry. André Gerin, député (PCF) du Rhône et maire de Vénissieux, conclut : "Il faut certes de la répression, mais ces jeunes ont d'abord besoin qu'on leur offre un avenir."

Jean-Baptiste de Montvalon et Sylvia Zappi Article paru dans l'édition du 03.11.05

Quand les "frères" musulmans tentent de ramener le calme
LE MONDE 02.11.05 13h53

Bras levés, voix puissante, ils crient "Allah Akbar !" au pied des barres de Clichy-sous-Bois, en invitant leurs "frères" à "rester tranquille". A quelques mètres, les CRS se protègent avec leurs boucliers et apprécient l'intervention. Cette scène, constatée dans la soirée du lundi 31 octobre, confirme de façon spectaculaire le rôle de médiation, voire de maintien de l'ordre, que prennent et revendiquent les représentants de l'islam dans les quartiers sensibles, surtout à l'occasion de tels accès de violences.
Ces jeunes croyants, reconnaissables à leur tenue traditionnelle et à leur barbe, ont été mobilisés par Abderamane Bouhout, président de l'association cultuelle qui gère la mosquée Bilal, dans laquelle une grenade lacrymogène a été lancée dimanche 30 octobre.
Des volontaires ont également été recrutés par l'intermédiaire de la mosquée de la rue Maurice-Audin, où l'imam, Meskine Dhaou, a lancé un appel au calme dès le lendemain de la mort des deux mineurs par électrocution. Une soixantaine de volontaires au total se sont ainsi répartis dans Clichy pour dialoguer avec les jeunes et s'interposer devant les forces de l'ordre.
"Nous avons une fonction d'ordre public, qui signifie que nous devons dialoguer avec les jeunes" , insiste Mohamed Bellahcene, président d'une des huit associations musulmanes de Clichy.
Ces initiatives ont été bien accueillies par les autorités. Une réunion entre plusieurs organisateurs du service d'ordre et le préfet de Seine-Saint-Denis a ainsi eu lieu au Raincy, lundi soir, pour faciliter le travail des médiateurs. M. Bouhout s'est, lui, rendu au PC central des forces de l'ordre, installé dans la caserne des sapeurs-pompiers à Clichy, pour expliquer sa démarche. "Dans ces quartiers, les maires ne peuvent plus rien faire sans les représentants de la communauté musulmane", souligne un cadre des Renseignements généraux de Seine-Saint-Denis.
INQUIÉTUDE
Le rôle des organisations musulmanes a également été reconnu par la mairie de Clichy. Malgré ses efforts, celle-ci n'a pu déployer que cinq ou six "animateurs jeunesse" et quatre personnes des "clubs de prévention" dans les quartiers pour discuter avec les jeunes.
"Dans l'urgence, toutes les bonnes volontés sont importantes. de toute évidence leur présence a contribué à apaiser les choses" , note Olivier Klein, premier adjoint au maire, chargé de la jeunesse et de la politique de la ville. Dans l'équipe municipale, on commence toutefois à s'inquiéter ­ sans vouloir l'affirmer publiquement ­ à l'idée que des organisations musulmanes puissent chercher à profiter de cet épisode, une fois les incidents terminés. Et qu'elles cherchent à remplir une mission durable de "maintien de l'ordre" ou de pacification.
L'impact des incidents à Clichy, notamment le fait qu'une mosquée ait été atteinte par une grenade lacrymogène, a conduit le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, à se rendre mardi 1er novembre à la mosquée Bilal.
Ce déplacement n'a pas fait l'unanimité au sein du CFCM. A la tête d'une délégation, le recteur de la Mosquée de Paris souhaitait manifester sa "solidarité" et "participer à la prière du soir" . "Tout le monde était ému par ce qui s'était passé dimanche, en pleine période de ramadan. Presque à l'unanimité, il a été décidé qu'on ne pouvait rester silencieux" , explique Dalil Boubakeur.
Fouad Alaoui, secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), a un autre avis. "Le départ de M. Boubakeur s'est fait dans une précipitation totale, dont il n'a pas fait preuve lorsque d'autres mosquées ont fait l'objet de dégradations, assure-t-il. On a voulu emmener le CFCM sur un terrain politique qui n'est pas le sien. M. Boubakeur n'arrive pas à assurer un équilibre entre toutes les composantes politiques françaises." Il y a deux semaines, Fouad Alaoui avait déjà adressé ce reproche au recteur de la mosquée de Paris lorsque celui-ci avait pris position en faveur de Dominique de Villepin, contre Nicolas Sarkozy, dans le débat autour de la loi de 1905 sur la séparation entre l'Eglise et l'Etat (Le Monde du 27 octobre).
La visite de Dalil Boubakeur à Clichy-sous-Bois a été particulièrement brève, le temps de saluer les fidèles et rompre le jeûne. Selon des témoins, la voiture du recteur aurait même été visée par quelques projectiles. Le président du CFCM n'a fait aucune déclaration à sa sortie de la mosquée, conformément, selon lui, à un accord passé avec l'association cultuelle. "Nous avons découvert une atmosphère anormale, tendue, faite de méfiance", note-t-il. Les soupçons d'instrumentalisation ont rendu méfiants les acteurs locaux de l'islam.
L'UOIF, elle, avait préféré envoyer son délégué régional la veille, en toute discrétion. L'organisation sait le bénéfice qu'elle peut tirer du travail de terrain. "On ne peut exclure la religion du champ social, souligne Fouad Alaoui. Il peut être un facteur d'apaisement. Si toutes les lois et les réglementations. ne parviennent pas à cadrer les hommes, la religion peut jouer tout son rôle."

Luc Bronner et Piotr Smolar Article paru dans l'édition du 03.11.05

Les tensions urbaines s'étendent en Ile-de-France
LEMONDE.FR 02.11.05 08h41 • Mis à jour le 02.11.05 09h01

Les échauffourées et les incendies de voitures, qui depuis cinq jours se déroulaient en Seine-Saint-Denis, se sont propagés dans la nuit de mardi à mercredi dans au moins trois autres départements d'Ile-de-France, notamment en Seine-et-Marne, dans les Yvelines et le Val-d'Oise.
Ces violences ne se sont pas traduites par des affrontements directs, selon plusieurs sources policières et préfectorales, mais plutôt par des tactiques de "harcèlements sporadiques de petits groupes mobiles".62 VÉHICULES INCENDIÉS

Elles ont éclaté dans le secteur de la "cité des 3 000" à Aulnay-sous-Bois (banlieue nord) et la cité des Beaudottes à Sevran (nord). Une soixantaine de véhicules ont été brûlés en Seine-Saint-Denis : "la nuit est agitée", a annoncé, mercredi peu après minuit, la préfecture de Seine-Saint-Denis, évoquant un total de 62 véhicules brûlés, dont 14 à Bondy, 15 à Aulnay-sous-Bois, 10 à Neuilly-sur-Marne, 14 au Blanc-Mesnil.
Un entrepôt de moquette situé à Bondy a également pris feu et l'incendie a été maîtrisé vers 23 h 15, sans blessés à déplorer, selon les sapeurs-pompiers de Paris. On ignore encore si le sinistre a un lien direct avec les violences urbaines.
Un poids lourd a été brûlé à Sevran, et à Tremblay-en-France quatre véhicules de la poste sont partis en flamme. Une caserne de pompiers de la BSPP (Brigade des sapeurs-pompiers de Paris) a été visée par des caillassages à Aulnay-sous-Bois.
NOUVELLES INTERPELLATIONS
Le calme est revenu en Seine-Saint-Denis vers 1 h 30 et une dizaine d'interpellations ont eu lieu, a précisé un enquêteur à l'AFP. Dans le Val-d'Oise (nord-ouest), de "légers heurts" se sont produits à Goussainville, Argenteuil et Villiers-le-Bel entre jeunes et police, et quelques départs de feux de poubelle ont eu lieu.
Dans les Yvelines (ouest), la police a recensé des attroupements "exceptionnels" d'une cinquantaine de jeunes par petits groupes dans le quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie. Et en Seine-et-Marne, un centre social désaffecté a notamment été l'objet d'un incendie entraînant six interpellations : deux personnes arrêtées après avoir incendié les véhicules et trois autres en possession de produits incendiaires.

Avec AFP

Les violences s'étendent en Seine-Saint-Denis et changent de forme
LE MONDE 02.11.05 13h53 • Mis à jour le 02.11.05 16h22

Accalmie à Clichy-sous-Bois et Montfermeil, mais aggravation de la situation dans plusieurs communes voisines de Seine-Saint-Denis. Par effet de contagion, la nuit du mardi 1er au mercredi 2 novembre a été marquée par de nombreuses violences urbaines provoquées par de petits groupes d'individus.
Clichy et Montfermeil ont, en revanche, connu une première nuit sans incidents après cinq soirées consécutives de violences provoquées par le décès de deux mineurs, jeudi 27 octobre, et le jet d'une grenade lacrymogène contre une mosquée, dimanche 30. Les violences se sont déplacées et étendues à de nombreuses autres cités sensibles de Seine-Saint-Denis. "Il y a eu un syndrome évident de mimétisme", explique-t-on à la direction générale de la police nationale (DGPN).
Près de 150 voitures ont été incendiées dans la nuit dans le département, ­ 180 au total en Ile-de-France, 220 sur l'ensemble du territoire ­ et près de 70 feux de poubelles et de détritus ont été relevés. Les points noirs de ces violences ont été Bondy, Aulnay-sous-Bois, Sevran, Le Blanc-Mesnil et Neuilly-sur-Marne. Des incidents similaires ont été signalés dans les Yvelines, le Val-d'Oise et la Seine-et-Marne, où une trentaine de véhicules ont été brûlés. Trente-quatre personnes ont été interpellées dans quatre départements franciliens.
La nature des violences a également évolué par rapport aux incidents de Clichy et Montfermeil, où des groupes importants de jeunes avaient longuement affronté les forces de l'ordre. Cette fois, les actions ont été sporadiques et disséminées un peu partout dans les quartiers, organisées par de petits groupes insaisissables. Les résultats n'en sont pas moins spectaculaires, notamment dans la zone Aulnay-Sevran-Bondy : ici, des voitures brûlent au milieu de la chaussée, tandis que l'on devine des ombres qui semblent danser autour des flammes, de la haute fumée noire et de la carcasse ; là, un camion de pompiers essaie d'éteindre l'incendie d'un véhicule stationné contre un immeuble ; plus loin, ce sont des poubelles qui brûlent ; encore plus loin, la carcasse d'un camion ; un container à verre renversé sur la route, des cailloux qui jonchent le sol, du verre brisé... Une odeur de caoutchouc brûlé envahit l'atmosphère, tandis qu'on entend les moteurs qui explosent, un peu plus loin.
Les radios des policiers crachent un débit ininterrompu de mauvaises nouvelles : les assaillants mettent le feu à un camion devant une école à Sevran, les forces de l'ordre subissent des jets de projectiles dans la cité des 3 000, à Aulnay, la tension monte encore à Bondy-nord, un commerce de la commune est en flammes sans qu'on sache si le sinistre a un lien direct avec les violences.
Devant l'évolution de la situation, les policiers et les gendarmes massés à Clichy ont été progressivement redéployés dans l'ensemble du département. Des autocars transportent les policiers et gendarmes, sirènes hurlantes, vers les autres points chauds, notamment dans les villes où des affrontements directs opposent jeunes et forces de l'ordre.
Celles-ci doivent affronter un ennemi très mobile. Pour pénétrer dans les cités, surplombés par des immeubles d'où peuvent être jetés des projectiles, les policiers progressent lentement. Ce principe de précaution permet aux assaillants de s'enfuir sans trop de difficultés. Le nombre d'interpellations est d'ailleurs assez limité.
Pour faire face à cette nouvelle donne, les forces de l'ordre ont été divisées en une multitude d'équipes réduites qui tentent d'être aussi réactives que les assaillants. Pour le ministère de l'intérieur, cette tactique présente aussi l'intérêt de ne pas attiser les tensions par une présence trop voyante. La DGPN réfléchit aux méthodes à employer dans ce genre de décor urbain, par temps calme. " Il faudrait que les CRS puissent travailler en tenue classique, sans être forcément bottés et casqués" , explique-t-on.
Certains jeunes gens expliquent ces violences par leur "haine" du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy. "Fallait pas nous traiter de racaille et nous envoyer la police" , résume anonymement un jeune homme de Sevran qui regarde les pompiers éteindre un incendie de voiture. Des habitants plus âgés témoignent aussi de leur colère. Contre les fauteurs de trouble, qui s'en prennent à leur quartier ; mais également contre le ministre de l'intérieur, qualifié de "provocateur".
A Bondy, deux élus municipaux constatent avec effarement l'étendue des dégâts. "Le gouvernement a supprimé les moyens des associations et Sarkozy fait de la provocation. C'est l'effet boomerang qu'on pouvait craindre", se désole Sidi Selles, un des adjoints au maire, de permanence. Du côté des policiers, le ras-le-bol n'est pas moins vif. "C'est incroyable d'en arriver à un tel déferlement de violence partout", dit un officier de police à Bondy. A Sevran, un de ses collègues, se lâche, usé par la tension accumulée : "Peut-être qu'il va falloir envoyer l'armée. Ca devient impossible."

Luc Bronner et Piotr Smolar

228 voitures brûlées dans la nuit
228 véhicules ont été incendiés en France, dont 180 pour la seule Ile-de-France dans la nuit de mardi à mercredi, a indiqué une source policière, précisant que la Seine-Saint-Denis, département où ont éclaté les violences jeudi, totalisait seule 153 voitures brûlées. Selon une source parlementaire, ce sont 250 voitures qui ont été incendiées en Ile-de-France dont "65 dans la seule ville de Bondy" pendant cette sixième nuit d'affrontements. (AFP)


Article paru dans l'édition du 03.11.05


Nouveaux affrontements entre policiers et jeunes à Clichy-sous-Bois
LEMONDE.FR 01.11.05 07h55 • Mis à jour le 01.11.05 08h33

Des "échauffourées localisées" ont eu lieu, lundi 31 octobre, à Clichy-sous-Bois, où douze personnes ont été interpellées, et dans d'autres villes de Seine-Saint-Denis, selon la préfecture. Ces événements se sont déroulés après la condamnation lundi en fin d'après-midi de trois jeunes hommes à deux mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Bobigny pour des jets de projectiles sur des policiers.
Les trois hommes, âgés de 25 à 27 ans, ont été immédiatement incarcérés tandis que le tribunal a renvoyé au 7 novembre le procès de cinq autres personnes, soupçonnées d'avoir jeté des pierres et des mottes de terre sur des policiers, vendredi 28 octobre au soir à Montfermeil, blessant cinq fonctionnaires. Ces jeunes gens ont été placés sous mandat de dépôt en attendant d'être jugés. Treize autres personnes, interpellées samedi 29 et dimanche 30 octobre au cours des émeutes à Clichy, ont été déférées lundi soir devant le parquet de Bobigny, selon le procureur François Molins.
DOUZE NOUVELLES INTERPELLATIONS
Pour la préfecture, il n'y a pas eu "d'émeutes", lundi soir, mais des "actions de harcèlement" menées par des petits groupes de dix à quinze assaillants. Quelque 400 policiers étaient à nouveau mobilisés à Clichy-sous-Bois et douze personnes ont été interpellées avant minuit dans la ville pour destruction de biens, détention de substances incendiaires ou violences volontaires, selon la préfecture.
Onze incendies de véhicule et trois feux de conteneurs sur la voie publique y avaient été recensés dans la soirée. Vers 21 heures, un cocktail Molotov a été lancé en direction du PC des forces de sécurité, à Clichy, selon une source policière. Peu après minuit, le garage de la police municipale de Montfermeil a été incendié, et deux véhicules y ont été détruits, selon la même source.
Dans l'ensemble, peu d'affrontements directs ont eu lieu entre jeunes et policiers, selon une journaliste de l'AFP sur place. La préfecture a estimé que la situation était "sous contrôle" vers une heure. Par ailleurs, à Sevran et Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les forces de l'ordre ont subi des "caillassages" qui n'ont pas fait de blessés, selon la préfecture, faisant également état "d'incendies de mobilier urbain".

Avec AFP

Azouz Begag, principal opposant à Nicolas Sarkozy
LE MONDE 01.11.05 12h31 • Mis à jour le 01.11.05 18h34

Azouz Begag est aujourd'hui l'un des plus sévères critiques de Nicolas Sarkozy. Il est aussi ministre ­ "ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances", ce qui n'est pas la chose la moins surprenante dans cette affaire.
Depuis dimanche soir, c'est en effet lui qui intervient dans les radios, les télévisions, les journaux pour dire combien il juge les propos de son "collègue", le ministre de l'intérieur et numéro deux du gouvernement, inadaptés à la tension nouvelle dans les banlieues en général et à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), en particulier. "Nicolas Sarkozy revendique un débat au sein du gouvernement, dit-il en souriant, et bien, il a raison. Moi aussi, je pense qu'il faut débattre."
Qu'en dit Dominique de Villepin ? "Il me laisse libre de ma parole, assure le ministre délégué à l'égalité des chances. Il ne relit aucune de mes interviews, ne contrôle aucun de mes propos. Croyez qu'il le fait pour Nicolas Sarkozy ? Pourquoi le ferait-il pour moi ?" Avant d'ajouter, "après tout, ce n'est pas inintéressant de voir que deux ministres n'ont pas la même France dans leur ligne de mire."
Pas la même France... Azouz Begag est en effet le seul ministre du gouvernement à avoir passé son enfance dans un de ces bidonvilles qui fleurissaient encore, dans les années 1950, sur les bords du Rhône, à Villeurbanne. Et il ne perd pas une occasion de défendre "ceux qui sont nés pauvres" contre "ceux qui sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche" dans une sorte de rappel implicite que le ministre de l'intérieur, lui, fût maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).
Il réfute donc chacun des mots employés par M. Sarkozy pour évoquer la banlieue. Le mot "racaille" lancé par le ministre à Argenteuil ? "Il ne faut pas dire aux jeunes qu'ils sont des racailles, il ne faut pas dire aux jeunes qu'on va leur rentrer dedans et qu'on va leur envoyer la police. Il faut y aller avec une volonté d'apaisement" , assure M. Begag. Déjà, lorsque le ministre de l'intérieur avait affirmé qu'il "nettoierait au Karcher" la cité de La Courneuve, M. Begag avait affirmé, tranquillement et fermement, le 30 juin : "J'emploie plutôt le terme "nettoyer" pour nettoyer mes chaussures, ma voiture. Je ne nettoie pas les quartiers."
Pour autant, un tel désaccord peut-il déboucher sur un conflit plus ouvert, voire le départ de l'un ou l'autre des protagonistes ? Matignon, qui ne dissuade aucunement M. Begag d'aller porter la contradiction à M. Sarkozy, assure que la coexistence de deux lignes au sein même du gouvernement n'est pas une difficulté : "Azouz Begag est dans son rôle. Il est là pour incarner l'intégration. Mais Sarkozy et lui font tous deux partie du même gouvernement", assure un collaborateur de M. de Villepin.
Et même si les familles des deux jeunes morts de Clichy-sous-Bois, ­ "instrumentalisées par l'avocat Jean-Pierre Mignard, membre du PS et proche de François Hollande", affirme le ministère de l'intérieur ­ refusent de rencontrer M. Sarkozy, il n'est pas question pour autant d'envoyer au devant d'elles M. Begag.
"Sarkozy a probablement dérapé sur le vocabulaire , reconnaît-on au sein même du gouvernement. Car, face aux jeunes de banlieue, dès qu'on hausse le ton, cela paraît tout de suite de la provocation. Mais notre électorat ne comprendrait pas que l'on abandonne la fermeté face à eux."
Que Nicolas Sarkozy paraisse déstabilisé ou affaibli ne déplaît pas à Matignon, mais jusqu'à un certain point. Car le ministre reste très populaire à droite, alors que M. Begag reste inconnu.

Raphaëlle Bacqué et Christophe Jakubyszyn

Les députés sarkozystes montent au crénau
Les propos du ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances ont fait vivement réagir les proches de Nicolas Sarkozy. Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse, a affirmé qu'Azouz Begag, "a perdu une bonne occasion de se taire" en critiquant Nicolas Sarkozy. Selon lui, les propos du ministre sont "un peu une condamnation du travail de la police".
Alain Marleix, député du Cantal, est allé plus loin , exigeant la démission de M. Begag. "J'ai été très choqué par le comportement" de M. Begag, a déclaré M. Marleix, par ailleurs secrétaire national UMP aux élections. "Dans pareille circonstance, la solidarité gouvernementale est une exigence minimale", a déclaré M. Marleix. "M. Begag a besoin d'exister, il a un ministère gadget et doit montrer qu'il a une utilité", a poursuivi le député. "Mais ça ne doit pas se faire au prix d'un manquement grave à la solidarité gouvernementale".
Interrogé sur cette demande, Brice Hortefeux, bras droit de M. Sarkozy, a glissé : "je peux comprendre l'exaspération d'Alain Marleix, car notre pays a besoin d'unité et le gouvernement de cohésion, même si je ne partage pas toutes ses conclusions". Yves Jégo (UMP, Seine-et-Marne) a souhaité que Dominique de Villepin rappelle Azouz Begag à l'ordre. Pierre Cardo (UMP, Yvelines) lui a demandé de "remettre l'église au milieu du village".
Pour un sarkoziste qui a requis l'anonymat, si le ministre délégué a tant parlé, c'est "qu'il en a, au minimum, reçu le feu vert". "Je ne crois pas au caractère spontané d'Azouz Begag", a fait valoir cette source : "voilà un type qu'on n'a pas entendu pendant cinq mois, et brusquement il est partout". "Une déclaration, ça peut être spontané et normal. Mais quand on donne des interviews dans tous les sens, surtout pour un ministre sans assise politique, ça ne peut être qu'après un feu vert"
. (AFP)

Article paru dans l'édition du 02.11.05